Le patrimoine de l’UM raconté par Thierry Lavabre-Bertrand

En raison de la crise sanitaire, la 37e édition des Journées du Patrimoine, qui devait se dérouler les 19 et 20 septembre prochain, a finalement été annulée dans l’ensemble des bâtiments d’Etat, y compris ceux de l’Université. Pour remplacer ce rendez-vous manqué Thierry Lavabre-Bertrand, vice-président en charge du Patrimoine, vous emmène en visite le temps d’un article.

Satue de Richer de Belleval fondateur du jardin des plantes

« Ici j’aime tout » répond avec simplicité Thierry Lavabre-Bertrand quand on lui demande ce qu’il préfère dans ce bâtiment historique de médecine vieux de plus de six siècles. « Vous voyez ce mur [celui situé dans la cour intérieure à gauche de l’Atrium] ? Il résume à lui seul toute l’histoire de ce lieu passionnant. » En effet, quelques vestiges de murs médiévaux côtoient les restes de l’ancien cloître, là où d’anciennes fenêtres en ogives semblent s’ouvrir sur les cicatrices des guerres de religion gravées dans la pierre.

Si la Faculté de médecine en tant qu’institution fête bien ses 800 ans d’existence cette année, le bâtiment historique est d’un petit siècle son cadet. « Il a été construit au XIVème siècle pour y abriter un monastère bénédictin, en 1536 il devient le siège épiscopal avant d’être pillé et saccagé lors des guerres de religion et abandonné pendant plus d’un siècle. » Rénové et agrandi sous Louis XIV, le bâtiment commence à se dessiner tel que nous le connaissons aujourd’hui. Le grand vestibule, l’escalier et les salles d’apparat, entre autres, datent de cette période.

Du clergé à la science

Il faudra néanmoins une révolution, et pas n’importe laquelle, pour faire de ce lieu de culte une école de médecine sous l’impulsion de Jean-Antoine Chaptal en 1795. « C’est l’époque du Theatrum anatomicum, de la prestigieuse bibliothèque et de la salle des Actes aménagée à la place de l’ancienne chapelle des évêques. J’y ai bien sûr passé ma thèse comme le font encore aujourd’hui nos étudiants » se rappelle le vice-président ancien élève de la Faculté de médecine.

De ses études lui reste aussi le souvenir de la salle Dugès dans laquelle trônaient jadis les bustes aujourd’hui visibles dans le grand hall. « C’était une salle de TP mais également le vestibule de l’amphithéâtre d’anatomie. Elle avait été décorée au XIXe siècle par de grandes fresques censées favoriser la méditation des étudiants en attendant le début du cours. » Trop abîmées, les fresques ont disparu dans les années 80 lors de la rénovation de la salle initiée par le doyen Solassol. « A cette époque le bâtiment n’était pas encore classé [il le sera en 2001] nous n’avions pas le respect religieux que nous avons aujourd’hui pour les traces du passé. »

Médecine pour l’hiver, botanique en été

Traversons maintenant le boulevard Henri IV pour nous rendre au Jardin des Plantes, autre lieu phare du patrimoine de l’UM. Fondé en 1593, sous le règne d’Henri IV, par Pierre Richer de Belleval alors directeur de la chaire d’anatomie et de botanique de la Faculté de médecine, « les deux étaient effectivement liés. L’anatomie en hiver car les cadavres se conservaient mieux et botanique l’été quand les arbres sont en fleurs. Cela dit Richer de Belleval n’aimait pas l’anatomie et il n’en fit d’ailleurs jamais » s’amuse Thierry Lavabre-Bertrand.

Plus ancien jardin botanique de France, il est tout d’abord appelé « Jardin du roi à Montpellier », (le Jardin de la Reine, toujours existant, en est un prolongement), et remplit plusieurs fonctions : « Le jardin médical servait à l’enseignement des futurs médecins et apothicaires, la pépinière permettait l’acclimatation et la multiplication des plantes et un cabinet d’Histoire naturelle regroupait des spécimens remarquables », poursuit le vice-président. Une fonction pédagogique qu’il conserve aujourd’hui encore pour les étudiants de la Faculté de pharmacie. « Le jardin accueille actuellement plus de 3000 espèces sur 4 hectares et demi. Son entretien et son fonctionnement sont assurés par une équipe de dix jardiniers œuvrant autour du directeur, du chef de culture et du botaniste ».

Serre Martins, Orangerie, Intendance et labyrinthe caché

Plusieurs espaces composent le jardin à commencer par la Serre Martins « du nom du botaniste qui la fit construire en 1860 ». Rénovée en 2011 grâce au soutien de la région Languedoc-Roussillon, elle héberge aujourd’hui une impressionnante collection de succulentes. L’Orangerie permet quant à elle d’abriter les plantes en hiver. « Construite au début du XIXe, elle épouse tout à fait le style des orangeries versaillaises mais dans une version révolutionnaire, plus simple et harmonieuse. On n’y trouve aucun blason, aucunes armoiries, seuls figurent sur le fronton les signes du zodiaque faisant référence au cycle des saisons », remarque le spécialiste du patrimoine. Sa rénovation, rendue possible par le concours d’une fondation d’entreprises, s’est achevée en 2018.

C’est maintenant au tour du bâtiment de l’Intendance, qui fit office de Rectorat de 1815 à 1980, d’être à son tour réhabilité. « Nous attendons ce chantier avec beaucoup d’intérêt car il pourrait révéler des vestiges archéologiques remarquables ». Au premier rang desquels le mystérieux labyrinthe de Richer de Belleval qui permettrait de descendre jusqu’à la nappe phréatique située sous le Jardin des plantes et dans lequel le célèbre botaniste aurait cultivé fougères et autres plantes d’ombre et d’humidité.

Un musée vivant des « drogues »

Etroitement lié au Jardin des plantes, le droguier, situé dans la faculté de Pharmacie « est un autre lieu emblématique de notre histoire qui témoigne de la longue tradition médicale et pharmaceutique de la ville ». Constitué à la fin du XVIe siècle, il rassemble la deuxième plus grande collection, après celle de Paris, « avec plus de 10 000 échantillons d’origine végétale, minérale ou animale venus du monde entier et dont la valeur ethnopharmacologique reste inestimable » précise le vice-président. Musée vivant de l’histoire des « drogues » et des médicaments, « il continue de s’enrichir régulièrement grâce à des dons et des legs et reste un centre de pédagogie et de recherche très actif ».

Ici s’arrête notre visite en compagnie de Thierry Lavabre-Bertrand à travers les trésors et anecdotes qui constituent le Patrimoine de l’Université. Ses murs s’enrichiront encore d’une année avant de donner rendez-vous au public pour de nouvelles Journées du Patrimoine.