Jean-Paul Metzger : L’écologue dans le paysage

En résidence à Montpellier à l’automne 2023 grâce au programme MAK’IT (Montpellier Advanced Knowledge Institute on Transitions) de l’UM, l’écologue Jean-Paul Metzger, professeur de l’Université de São Paulo, a prolongé avec des homologues français ses recherches qui articulent écologie et qualité de vie.

Les scientifiques accomplis se partagent en deux catégories : ceux perchés dans leur tour d’ivoire et ceux qui partagent, au coin d’une table de café, l’engouement pour leur recherche. Jean-Paul Metzger, professeur à l’Université de São Paulo, appartient à la deuxième. Novatrice, sa thèse sur la fragmentation des forêts tropicales le propulse rapidement dans la cour des écologues reconnus. Le thème encore nouveau en 1995 quand il obtient son doctorat va devenir très à la mode et son travail fera référence sur les notions de connectivité et de corridors écologiques. Il est en effet un des premiers à documenter comment la fragmentation du paysage et l’isolement de parcelles naturelles – à causes des activités humaines – conduit à une perte de biodiversité. En cause en particulier l’impossibilité pour les espèces de recoloniser des espaces isolés. « Il ne s’agissait pas seulement d’enregistrer les pertes d’individus et d’espèces mais aussi de comprendre comment les paysages influencent la biodiversité et comment permettre de la maintenir ou de la restaurer », explique le chercheur.

L’écologie du paysage, Jean-Paul Metzger est tombé dedans en poursuivant un DESS intégré dans une chaire Unesco et lié à l’Institut d’Agronomie de Paris, à l’Université de Toulouse et à l’Université de Montpellier. Pour le jeune biologiste, « l’écologie du paysage, l’imagerie satellite, tout ça c’était très nouveau ». En venant vivre en France pour la première fois, l’étudiant franco-brésilien ne s’imaginait d’ailleurs pas poursuivre dans la recherche après ce diplôme en aménagement du territoire. Mais, contre toute attente, le monde académique a été plus facile à rejoindre que le marché du travail.  « Au Brésil, le début des années 1990 est marqué par la crise sous le gouvernement de Fernando Collor. Je n’avais pas de perspective d’emploi. Et j’ai par contre trouvé un financement brésilien pour poursuivre en thèse », raconte le scientifique. Inscrit à Toulouse, il fait sa thèse sur la forêt Atlantique, une forêt tropicale qui longe toute la côte brésilienne : « Je me suis passionné pour mon sujet, le goût pour la recherche m’est venu en la faisant ». Et le monde académique le lui rend bien puisqu’il obtient un poste dans la foulé, à 31 ans, à l’université de São Paulo.

Jardins de pluie

Après s’être intéressé aux impacts humains sur les écosystèmes, Jean-Paul Metzger s’intéresse aux services que les écosystèmes rendent aux humains. Autrement dit les services écosystémiques, une approche d’évaluation économique de la biodiversité qui prend une place majeure en écologie dans les années 2000. Lui travaille sur les cultures de café qui ne peuvent se passer des polinisateurs, la pollinisation étant un service indispensable rendue par les abeilles aux cultures. Toujours en prise avec les notions scientifiques du moment, le biologiste travaille aujourd’hui autour des solutions fondées sur la nature et de la notion de santé unique (One Health), derniers avatars de la recherche pour rappeler aux humains qu’il faut qu’ils apprennent à vivre avec le reste du vivant. C’est en particulier les questions sciences-société qui l’animent. A São Paulo, il rassemble une équipe d’une centaine de personnes qui compte chercheurs, activistes, fonctionnaires territoriaux pour cocréer des solutions aux problèmes environnementaux de l’état de São Paulo.

Tout ce petit monde travaille selon l’approche de synthèse de connaissances, une approche participative qui mise sur le collectif pour tirer de l’analyse des données disponibles des pistes de nouvelles recherches et des réponses pratiques aux problèmes posés. Une des propositions qui a émergé de ce travail pour améliorer la qualité de vie des citadins et la résilience de leur ville aux changements climatiques est l’installation de nouveaux jardins de pluies, des espaces verts urbains qui captent l’eau de ruissellement. « Ces mini-zones de rétention d’eau baissent les risques d’inondations. La végétation procure aussi ombre et fraicheur dans une ville où la température monte en ce moment à 40°C, et filtre la pollution. Mais c’est aussi la qualité du paysage, la beauté des lieux qui contribuent à améliorer la santé mentale. » L’effet psychique positif pour les citadins de la vie à proximité de parcs est aujourd’hui reconnu par de nombreux travaux scientifiques.

Beauté scénique et santé urbaine

Mobilisé sur le plan climat de l’état de São Paulo, une autre proposition s’est imposée pour concilier adaptation et atténuation au changement climatique. Localiser les projets de boisement pour capter du carbone en périphérie des villes car la restauration des milieux péri-urbains, en particulier dans les zones à risque d’inondation et de glissement de terrains a un effet bénéfique immédiat pour les riverains. « En particulier ceci peut éviter l’installation de favelas dans des zones pentues ou dans de plaines d’inondation, où les glissements et les inondation représentent un danger de vie », explique Jean-Paul Metzger, décidément concerné par l’aménagement du territoire.

Et sa venue en France fin 2023 dans tout ça ? La possibilité du programme MAK’IT (Montpellier Advanced Knowledge Institute on Transitions) de l’UM de profiter de trois mois à Montpellier a éveillé son intérêt pour rejoindre une communauté scientifique reconnue sur l’écologie et l’agronomie tropicale. Mais c’est finalement surtout au Centre de synthèse et d’analyse sur la biodiversité (Cesab) – programme phare de la FRB – que le chercheur a pu démarrer de vraies collaborations. Il laisse d’ailleurs derrière lui un doctorant brésilien, Douglas Cirino, qui profite des outils d’analyse développés par le Cesab pour avancer sa recherche sur les liens entre beauté scénique et santé urbaine. Quant à lui, la proximité du Pic Saint-Loup et de tout l’arrière-pays Montpelliérain a largement contribué à son bien-être, loin d’une mégapole de plus de 12 millions de Paulistanos.