Paul Antonio : voyage au cœur de la Terre

Chercheur en paléomagnétisme au laboratoire Géosciences Montpellier, Paul Antonio a décroché une bourse european research council (ERC) sur la proposition d’une nouvelle méthode expérimentale pour affiner la datation du noyau interne de la Terre.

Customiser une machine pour faire parler les roches nées il y a environ un milliard d’années, c’est avec cette idée que Paul Antonio confirme définitivement sa carrière. Le jeune chercheur en paléomagnétisme au laboratoire Géosciences Montpellier ne redeviendra pas professeur de sciences de la vie et de la Terre puisqu’il a décroché, en septembre dernier, une ERC Starting Grant sur la proposition d’une nouvelle méthode expérimentale pour affiner la datation du noyau interne de la Terre.

Son projet UBEICH est d’actualité puisque le consensus scientifique autour d’une datation de la création du noyau interne à environ 600 millions d’années est remis en cause. Or, ce moment est crucial car il correspond à la cristallisation de la partie centrale du noyau, alors liquide, qui a fourni l’énergie nécessaire pour relancer le champ magnétique terrestre. Ce dernier rend notre planète habitable en la protégeant notamment du rayonnement cosmique. La formation d’un noyau dur a permis à la Terre d’échapper au destin d’autres planètes comme Mars qui ont perdu leur champ magnétique tôt dans leur histoire géologique.

Des milliards d’inclusions magnétiques

 « Pendant mes deux années d’ATER à l’Université de Montpellier, j’ai eu le temps de découvrir le parc instrumental du laboratoire. Et je me suis dit que je pouvais l’adapter pour ma recherche », raconte Paul Antonio. L’enjeu est de mesurer l’intensité du champ magnétique contenu dans les roches datées d’environ un milliard d’années, pour retrouver l’histoire du magnétisme terrestre à cette époque. Les approches conventionnelles ne parviennent pas à extraire les signaux magnétiques anciens des vieilles roches en raison de leur altération tout au long de leur histoire géologique.

Paul Antonio propose de mesurer ces signaux directement à l’échelle des minéraux et non plus à celle de la roche. « L’avantage est double : les minéraux silicatés contiennent des milliards d’inclusions magnétiques qui ont été préservées de l’altération, et la petite taille de ces inclusions a potentiellement permis d’enregistrer un signal magnétique stable au cours du temps », explique le chercheur. Concrètement, plutôt que de travailler sur des carottes de roches de quelques centimètres il va d’abord les broyer pour extraire les cristaux. « Puis il faudra adapter les équipements de l’UM pour travailler avec des échantillons de l’ordre du millimètre », précise-t-il.

Supercontinent Rodinia

L’idée de déposer une ERC lui a été soufflée. « J’avais présenté plusieurs projets pendant mes années d’ATER, notamment pour une bourse de recherche Marie-Curie, qui m’a été refusée malgré une très bonne appréciation. Du coup, le service de la DIPA de l’UM m’a incité à proposer une ERC Starting Grant ». Bien lui en a pris. Surtout que le chercheur a déjà la matière pour travailler. Dans le cadre d’un post-doc sur l’étude du supercontinent Rodinia qui existait il y a un milliard d’années, il a collecté de nombreuses carottes de roches qui correspondent justement à la période de cristallisation du noyau interne.

Aujourd’hui, il revient presque étonné sur son parcours qu’il n’avait pas anticipé dans la recherche. En master 1 de préparation au Capes SVT, « une professeure impressionnée par ma passion pour la géologie m’a encouragé à continuer plutôt en master recherche ». Là un professeur invité brésilien lui propose de venir faire une thèse en paléomagnétisme. Le sujet : affiner la position du continent sud-américain il y a 1,8 milliards d’année, alors que tous les continents étaient regroupés dans un seul supercontinent, le Columbia. « Le travail de terrain – aller chercher des échantillons de roches en Amazonie – m’a convaincu d’accepter ce projet », se souvient-il.

De São Paulo à Saverdun

En 2012, Paul Antonio s’envole donc pour le Brésil pour découvrir le paléomagnétisme. A son retour en 2016, sans post-doc en vue, il finit de rédiger sa thèse tout en passant sa titularisation de professeur des collèges dans un collège ariégeois. Sans transition, le voilà passé de Sao Paulo à Saverdun. « J’adore enseigner mais la vie de chercheur me manquait. J’ai finalement décidé de monter mon propre projet de post-doc. » Stratégique, il demande un financement à une agence de financement publique de l’État de São Paulo. Qu’il obtient. « Ce n’était pas facile de repartir au Brésil mais c’était le moyen de travailler sur mon propre projet de recherche car il n’y avait pas de possibilités en France. »

Son objet de recherche s’est déplacé de quelques milliards d’années. Il cherche, à travers la direction du champ magnétique des roches formées à cette époque, la position de l’Afrique et de l’Amérique du Sud dans le supercontinent Rodinia. Aujourd’hui, Paul Antonio nous parle en visioconférence depuis Oslo, où il démarre un autre post-doc au sein du nouveau centre d’excellence norvégien sur l’habitabilité (le PHAB) – un post-doc auquel il avait postulé « car la probabilité de gagner une ERC du premier coup est quasi-nulle et c’était l’occasion unique de développer ma recherche dans un des plus importants laboratoires au monde ». Mais le voici heureux Lauréat d’une ERC. Après son parcours international, il rentre donc en janvier 2024 pour s’entourer d’une équipe de quatre personnes et entrer pleinement dans sa carrière de chercheur montpelliérain.