“De plus en plus d’encadrants et d’encadrantes de thèse demandent à être mieux formés”

Actuellement 1900 étudiants et étudiantes sont inscrits en doctorat à l’Université de Montpellier. Pour les encadrer, enseignants-chercheurs et enseignantes-chercheuses passent une habilitation à diriger des recherches, pourtant ils sont nombreux à vouloir se former davantage pour assumer ce rôle en pleine mutation. Le collège doctoral leur propose désormais des modules complémentaires et facultatifs. Détails avec Gilles Subra, son directeur.

Qu’est-ce qui a changé dans la relation entre un doctorant ou une doctorante et son encadrant ?
Initialement, l’encadrement de doctorat était perçu comme une relation maître-élève, avec un professeur et son apprenti. Cette conception a heureusement évolué. Aujourd’hui, le directeur ou la directrice de thèse n’est plus un simple mentor mais assume le rôle principal au sein d’une équipe de formation. Dans de nombreux cas, le directeur partage la direction et l’encadrement, ce qui permet d’ailleurs d’impliquer et de former de futurs directeurs de thèse. L’internationalisation des thèses, le caractère interdisciplinaire des sujets de recherche ou encore les thèses en entreprises ont contribué au développement des codirections. Aujourd’hui, le doctorat s’envisage comme une véritable expérience professionnelle qui nécessite une formation appropriée et pas un simple mentorat.

Il y a une professionnalisation de la thèse ?  
Oui, alors que la thèse était perçue comme une période de production de connaissances scientifiques, elle vise aujourd’hui à préparer les doctorants et doctorantes à des postes de haut niveau. Cela implique pour les encadrants d’élargir leur rôle au-delà de la recherche et de la publication en aidant les doctorants à développer leurs compétences, à identifier leurs aspirations professionnelles et à les conseiller sur la meilleure façon de les réaliser.

Et que dit la loi sur l’encadrement de la thèse ?
Ces transformations sont en partie poussées par la législation française qui stipule que des formations complémentaires doivent être proposées aux doctorants et doctorantes. Depuis 2022 la loi impose aussi la mise en place de comités de suivi individuel de thèse annuels plus approfondis, permettant de vérifier le bon déroulement de la thèse, y compris sur le plan psychologique, et de préparer l’insertion professionnelle. Les exigences de cet accompagnent du doctorant font que de plus en plus d’encadrants et encadrantes demandent aussi à être mieux formés.

Quelle formation reçoivent les encadrants aujourd’hui ?
L’habilitation à diriger des recherches (HDR) est un diplôme requis pour celles et ceux qui aspirent à superviser des thèses. Pour l’obtenir il faut justifier d’une expérience d’encadrement obligatoire et d’une activité de recherche active au sein d’un laboratoire. Les écoles doctorales jouent un rôle essentiel pour évaluer des candidatures pour l’HDR. Mais la loi actuellement n’impose pas de formations obligatoires dédiées à l’encadrement doctoral.

C’est pour répondre à ce besoin que le Collège doctoral propose aujourd’hui des formations complémentaires. Sur quels thèmes portent-elles ?   
Nous avons organisé la première session il y a quelques semaines, elle s’est déroulée sur deux jours au total. La première demi-journée ouverte à un nombre illimité de participants, couvrait des thèmes tels que l’éthique et l’intégrité scientifique, les stratégies de publication en lien avec les enjeux de la science ouverte, ou encore les questions réglementaires et administratives associées aux thèses. Nous avons également abordé la prévention des problèmes psychosociaux, du harcèlement, et des moyens pour anticiper et détecter ces problèmes.
Pour ceux qui ont souhaité aller plus loin et bénéficier d’une formation plus intensive, nous avons organisé une journée et demie en petits groupes, avec un maximum d’une quinzaine de participants.

Ce sont des ateliers ?
Oui c’est la forme qu’a pris la deuxième partie de cette dernière session. Les participants ont pu réfléchir et échanger sur le recrutement des doctorants, leur accompagnement, la résolution de situations difficiles, la gestion du temps de travail. De manière générale, ils ont pu acquérir des clés pour établir une relation saine et productive tout au long de la durée de la thèse. Nous avons par exemple abordé la question des attentes des directeurs de thèse vis-à-vis de leurs doctorants et de la perception que ces derniers ont de leur directeur de thèse. Cette analyse a permis de mettre en évidence les écarts qui peuvent exister et d’encourager une meilleure compréhension mutuelle.

A qui sont destinées ces formations ?
C’est une démarche volontaire, et non coercitive, contrairement à certaines universités où la participation à de telles formations est obligatoire. La majorité des participants, environ 80% d’entre eux, étaient soit des candidats à l’HDR, soit des personnes qui envisageaient de le devenir mais les sujets abordés tels que les stratégies de publication et la science ouverte peuvent être pertinents pour tous les chercheurs, à tout moment de leur carrière.

Par qui ces modules de formation sont-ils dispensés ?
Nous avons mis en place un binôme pour animer les ateliers. Un membre du cabinet de formation privé que nous avons engagé travaillait en tandem avec Jean-Jacques Vasseur, ancien directeur de l’école doctorale Sciences Chimiques Balard de l’UM. Cette approche garantit une perspective locale et une connaissance approfondie des problèmes rencontrés sur le terrain.

Quelles sont les motivations des enseignants-chercheurs et enseignantes-chercheuses pour passer leur HDR?
l’HDR est une étape capitale dans la carrière de tous les chercheurs : c’est une nécessité réglementaire pour être autorisé à diriger des thèses, et cet investissement donne toute légitimité pour diriger des équipes, déposer et développer des projets. Pour un laboratoire, avoir un pool d’HDR important permet d’accueillir de nombreux doctorants et doctorantes ce qui contribue largement au dynamisme et au rayonnement des équipes de recherches. Ce sont précisément ces doctorants qui signent près de 80% des publications scientifiques, et contribuent donc fortement à la vitalité et à la productivité scientifique du laboratoire. Enfin, il y a un intérêt financier pour les laboratoires qui reçoivent un soutien des établissements en en fonction du nombre de titulaires de l’HDR qui composent leur équipe de recherche.

Et sur le plan d’une carrière ?
L’HDR offre l’occasion de faire le bilan à un moment crucial de sa carrière. Après la thèse, les premières années post-doctorales sont souvent synonymes d’une grande variété de sujets scientifiques, d’environnements de travail, et une ouverture à la collaboration avec différents laboratoires. À un certain moment, il est important de définir plus profondément ses orientations et ses objectifs scientifiques. L’HDR est le moment idéal pour cela. Elle évalue également votre capacité à concevoir des projets originaux, à les diriger et à lever des fonds pour les mettre en œuvre. Cette compétence est valorisée dans le monde universitaire, c’est donc une opportunité précieuse.

Quel est le bilan de cette première formation ?
Pour garantir la qualité de nos formations, nous sollicitons régulièrement les participants à travers des questionnaires de satisfaction et les retours sont très positifs, ce qui est encourageant. Un point particulièrement intéressant a été l’ancrage de cette formation dans la réalité du terrain. La première matinée a mobilisé la participation de vice-présidents et vice-présidentes de l’Université et de la direction de la recherche et des études doctorales. Cela a donné lieu à des échanges très riches qui ont dépassé la problématique de l’encadrement doctoral.

Quand aura lieu la prochaine session ?
Nous n’avons pas encore fixé de dates spécifiques mais nous souhaitons proposer au moins deux sessions par an. L’objectif est d’en faire autant qu’il sera nécessaire pour répondre aux besoins de notre communauté scientifique. Nous adapterons les formats et les contenus en fonction des demandes.