Alison Duncan : compétition et entraide chez les parasites

Alison Duncan est chercheuse en écologie de l’évolution à l’Institut des sciences de l’évolution de Montpellier (ISEM). Pour mieux comprendre les dynamiques des épidémies, elle travaille sur les interactions entre parasites et entre hôtes et parasites. Elle a reçu en 2022 le prix tremplin Mariano Gago de coopération bilatérale France-Portugal. 

Alison Duncan se demande pourquoi vouloir lui tirer le portrait. La chercheuse CNRS nous accueille un peu incrédule dans son bureau situé à l’Institut des sciences de l’évolution de Montpellier. « Avec mon nom vous imaginez bien que je suis britannique » déclare-t-elle avec un accent anglais. Elle a pourtant reçu en 2022 le prix tremplin Mariano Gago de coopération bilatérale en recherche France-Portugal, avec Flore Zélé du CNRS et Sara Magalhães, professeure associée à l’Université de Lisbonne. Leurs travaux récompensés portent sur la compétition et la symbiose des parasites des plantes. Alison Duncan s’intéresse en effet aux parasites bactériens, acariens et autres vauriens. En particulier à l’effet de la compétition entre parasites sur la virulence des attaques.

Pour les pathogènes, l’idée généralement admise est qu’il y a un compromis entre leur niveau de virulence et leur capacité à se diffuser largement. Un virus trop virulent par exemple, en tuant son hôte, va stopper sa diffusion. A l’inverse, un virus pas assez virulent sera rapidement éliminé. Il y aurait donc une sorte d’optimum entre les deux. « Avec Sara Magalhães, nous avons voulu vérifier cette dynamique en observant la transmission des acariens sur des feuilles de haricots », explique Alison Duncan. Dans un premier temps, plus les acariens sont virulents, plus ils se diffusent sur la plante. Mais si la possibilité de se disséminer s’arrêtent, autrement dit s’il n’y a plus de feuilles saines à proximité, la relation entre virulence et diffusion se renverse. En cause, la trop forte compétition entre les juvéniles qui n’ont plus les ressources nécessaires pour atteindre l’âge adulte.

Le sex-ratio des guêpes

Celle qui a grandi à Cambridge, où le milieu académique n’est jamais loin, s’étonne encore d’être tombée dans la recherche. Une vocation qui doit plus à une occasion qu’à un projet professionnel. « J’ai adoré mon stage de licence à l’université d’Edinburg, où je travaillais sur le sex-ratio des guêpes. J’étais très intriguée par le fait qu’elles n’aient pas toujours un sex-ratio de 50-50 comme la plupart des espèces mais qu’elles puissent donner une descendance largement composée de femelles. C’est une bizarrerie », raconte la chercheuse, en sympathie avec la jeune étudiante qu’elle était. Un poste d’ingénieur d’étude s’ouvre alors dans le labo où elle fait son stage en 2002. Elle saisit l’occasion qui la conduira en thèse un an plus tard.

Pour sa thèse, Alison Duncan travaille sur les interactions hôtes-parasites à partir des Daphnia magna, petits crustacés planctoniques. Elle observe comment, face à une épidémie bactérienne, certains spécimens plus sensibles au parasite, préviennent l’hécatombe en privilégiant une reproduction sexuée.  Ces daphnies ont en effet deux modes de reproduction, l’un sexué avec des œufs qui peuvent rester plusieurs mois avant de se développer, l’autre asexué (clonage) immédiat. « Les daphnies observées ont pondu abondamment au printemps, en réponse aux premiers individus infectés. Notre hypothèse est que privilégier la reproduction asexuée permettra à leurs œufs d’éclore plus tard, une fois l’épidémie passée », explique la chercheuse.

“My baptism of fire”

Doctorat en poche en 2006, elle enchaine trois post-doctorats à Montpellier, dans l’unité Mivegec (Maladies Infectieuses et Vecteurs : Écologie, Génétique, Évolution et Contrôle) puis à l’Institut des sciences de l’évolution de Montpellier. Cambridge et Montpellier ont en commun d’avoir des universités très reconnues en écologie de l’évolution. « Et la chaleur du sud ne gâche rien », glisse-t-elle. A chaque demande, elle obtient une bourse pour ses post-docs. Notamment une bourse Marie Curie et une bourse de l’UM pour les intenationaux. « Je rentrais juste dans les critères », justifie, modeste, la chercheuse, qui obtient un poste au CNRS en 2014.

« Je travaille sur plusieurs autres sujets dont un qui me passionne particulièrement, mais ça va faire long, non ? », avance Alison Duncan. Le sujet en question est la facilitation entre parasites pour l’attaque d’un hôte. Un projet avec l’Inrae sur des plants de tomates attaqués à la fois par des acariens et par le virus de la maladie bronzée de la tomate. Si une plante est infectée par le virus, les chercheurs observent un développement plus rapide des acariens. « On peut faire deux hypothèses qui ne s’excluent pas, explique la biologiste. Le virus déclenche chez la plante la libération d’acides aminés libres qui la rendent plus facile à manger par les acariens. Ou, affaiblie par le virus, la plante lutte moins bien contre les acariens. »

La chercheuse enseigne aussi. D’abord à l’occasion de deux années d’ATER de 2011 à 2013. « Ça a été my baptism of fire pour le français !  L’enseignement m’a beaucoup plu, le travail avec les étudiants aussi, même si j’étais très inquiète pour mon niveau de langue », se rappelle celle qui a continué à garder une part d’enseignement à l’université. Ayant obtenu son HDR en 2021, elle encadre deux thèses dont une en collaboration avec le Portugal.