Irène Georgescu : Rien ne sert de courir pour arriver loin
Professeure des universités à Montpellier Management, Irène Georgescu travaille sur la résilience des professionnels de santé. Un enjeu qui lui a valu de décrocher un financement européen Research Innovation Action de 5,6 millions d’euros en 2025.

Quand on lui demande de commencer par le début, Irène Georgescu s’amuse à rappeler qu’elle a fait quatre premières années à l’UM, deux en pharmacie et deux en droit. Une franchise d’autant plus facile que la professeure des universités à Montpellier Management n’a plus rien à prouver. Outre ses nombreuses responsabilités, dont la direction du pôle Sciences sociales de l’UM et la rédaction en chef du Journal de gestion et d’économie en santé, elle vient de décrocher un financement européen Research Innovation Action de 5,6 millions d’euros pour le projet international Apollo.
Ce préambule n’est pourtant pas une fausse modestie pour celle qui témoigne sa reconnaissance à un système universitaire qui lui a permis de « se chercher longtemps » et de démarrer une thèse à 32 ans. Les hésitations des premières années, entre un cabinet d’expert-comptable et l’enseignement dans une entreprise privée post-bac, se concluent par une carrière universitaire en ligne droite. Doctorat en poche en trois ans, elle décroche coup sur coup un poste de maître de conférences, puis l’agrégation en Sciences de gestion, lui permettant de devenir professeure à Nice. Et dans la foulée, elle parvient à rentrer à Montpellier, un port d’attache que cette Française d’origine roumaine n’avait pas l’intention de laisser derrière elle.
Logique de rendement
Coup du sort, le projet de doctorat en management qu’elle débute en 2007 porte sur le milieu hospitalier, dont cette fille d’une famille de médecins dit « avoir tout fait pour prendre le contre-pieds ». La France est alors en pleine réforme de la tarification d’activité des hôpitaux et Irène Georgescu regarde comment les nouveaux outils d’évaluation affectent les professionnels de la santé. Et constate leurs nombreux effets dysfonctionnels : « Les évaluations de performance telles qu’elles existent créent des conflits de rôles, du stress, une perte d’implication affective des professionnels dans l’hôpital public, au nom d’une logique de rendement et de performance financière… »
Ce milieu hospitalier qui l’a rattrapée restera son objet d’étude. Et alors que la chercheuse s’intéresse à la résilience des personnels hospitaliers, les crises qui s’enchainent lui donnent matière à penser : le Covid bien sûr avec le manque de reconnaissance témoigné par certains professionnels interrogés face à l’effort consenti, mais aussi les effets du changement climatique, avec son lot de vagues de chaleur et d’inondations.
Du réseau et du culot
Le projet européen Apollo embrasse cette question de la résilience des professionnels de santé mais change d’échelle. Irène Georgescu, émue, savoure encore cette bonne surprise d’avoir fait partie des quatre projets retenus. Monté en quelques mois, le projet rassemble huit universités et trois centres hospitaliers dont le CHU de Montpellier et le CHU de Nîmes. Quand on lui demande comment elle a fait si vite, elle lâche « du réseau, des bouteilles à la mer et un peu de culot », qui lui a été nécessaire pour décrocher un partenariat avec le Massachussetts General Hospital, un hôpital d’Harvard. Mais aussi vraisemblablement beaucoup d’heures supplémentaires. « On travaille vraiment beaucoup », reconnaît celle qui cumule en plus des responsabilités pédagogiques dans neuf diplômes différents. « Et c’est vrai pour toute mon équipe », ajoute-t-elle, visiblement ravie de la qualité de ses relations professionnelles.
Des valeurs humaines qu’elle voudrait insuffler dans les indicateurs de performance imposés aux hôpitaux, « où les outils actuels proposent une approche par volume et reflètent très partiellement le travail des professionnels de santé, difficile à évaluer. Comme m’a dit un médecin une fois “on n’est pas là pour vendre des lessives et des boulons on est là pour les patients”. »
Et quoi de mieux qu’une collaboration et un visiting dans une prestigieuse université de l’IVY League pour faire de nouvelles propositions. Irène Georgescu sait que le pari n’est pas encore gagné mais espère pouvoir avancer ses idées.