Philippe Dubois : sous le signe de la chimie verte

Défenseur d’une chimie verte et responsable, le professeur Philippe Dubois est un chercheur en chimie et sciences des matériaux de renommée internationale, notamment en raison de ses recherches de pointe sur les bioplastiques. Des procédés innovants qui ont conduit à de nombreuses applications brevetées dans l’industrie, mettant en lumière le rôle essentiel de la chimie dans la transition écologique. Président-recteur de l’Université de Mons (UMons), située en Belgique francophone, il accorde autant d’importance au rayonnement de son établissement à l’international qu’au bien-être de ses étudiants, enseignants et chercheurs. Il a reçu le titre de docteur honoris causa de l’Université de Montpellier le 31 janvier 2024.

Dès que l’on se penche sur le parcours professionnel du chercheur belge Philippe Dubois, les chiffres parlent d’eux-mêmes : plus de 800 publications scientifiques avec peer review, 76 brevets déposés (dont près d’un quart a donné lieu à l’industrialisation de produits et procédés innovants) et de nombreuses distinctions (cf encadré ci-dessous). Comme le souligne Sébastien Clément, directeur du département Chimie de la Faculté des sciences de Montpellier et parrain de sa nomination au titre de docteur honoris causa, « Philippe Dubois est un éminent chercheur dont le parcours académique a été marqué par une passion indéfectible pour la science et l’innovation ».

Et c’est peu dire. Né à Charleroi en 1965, issu d’un milieu modeste ouvrier (son père est mineur, sa mère femme au foyer), Philippe Dubois s’est très tôt démarqué par une appétence indéniable pour la question scientifique, discipline dans laquelle il excelle. Après un master en chimie organique aux Facultés universitaires Notre-Dame de la Paix à Namur, il réalise une thèse de doctorat en chimie des polymères intitulée « Ingénierie moléculaire de matériaux biocompatibles et biodégradables par ouverture de cycle des lactones et lactides » qu’il décroche avec les félicitations du jury à l’Université de Liège. Ces travaux donnent lieu au dépôt de son premier brevet en 1989 et à plusieurs publications scientifiques. L’étude de polymères biocompatibles et biodégradables est déjà centrale dans son travail. Et va le rester. Suite à un premier post-doc industriel dans la société Dow Chemicals en Hollande, il devient chargé de recherche, puis chercheur qualifié du FNRS (Fonds national de la recherche scientifique) à l’Université de Liège. En 1994, il effectue un second post-doc en ingénierie chimique des matériaux polymères biosourcés à la Michigan State University aux Etats-Unis. Et dépose déjà son second brevet.

A la croisée de la chimie de synthèse et de l’ingénierie des matériaux

C’est en 1997 que Philippe Dubois rejoint l’Université de Mons-Hainaut (laquelle deviendra Université de Mons en 2009 après fusion) en tant que spécialiste de chimie de synthèse macromoléculaire et y fonde le Service des matériaux polymères et composites (SMPC) dans le cadre du pôle d’excellence Materia Nova. Il est nommé professeur (1999) puis professeur ordinaire (2003), y enseignant entre autres la chimie organique, la chimie macromoléculaire et la chimie industrielle. Du fait de son expertise, il est professeur invité dans de nombreuses institutions en Belgique et à travers le monde (Etats-Unis, Chine, Arabie Saoudite…). Le chercheur belge s’affirme comme le défenseur d’une chimie verte engagée dans la transition écologique grâce à des recherches pionnières favorisant l’interdisciplinarité, à la croisée de la chimie de synthèse et de l’ingénierie des matériaux.

« Les matières plastiques sont omniprésentes dans nos vies, que ce soit dans l’automobile, le bâtiment, les travaux publics ou encore les emballages, soit plus de 400 millions de tonnes produites dans le monde chaque année, explique Sébastien Clément. Afin d’améliorer l’empreinte écologique de ces plastiques, Philippe Dubois a été l’un des premiers en Europe à démontrer le potentiel des bioressources locales et renouvelables pour la production de matières plastiques, permettant de s’affranchir ainsi du pétrole comme matière première ». Parmi les nombreuses innovations qui ont vu le jour grâce au travail des équipes du scientifique belge, une découverte majeure se révèle particulièrement notable. « Un premier procédé de production continue du plastique biosourcé et biodégradable, qui est le plus industrialisé de nos jours, l’acide polylactique ou PLA, a pu voir le jour en exploitant un système catalytique utilisable en exclusion réactive brevetée par l’équipe du professeur Philippe Dubois », complète, non sans admiration, le directeur du département Chimie de la Faculté des sciences de Montpellier. Autre recherche, autre application industrielle : la toute première peinture anti-biofouling dépourvue de tout bactéricide permettant d’empêcher la prolifération des organismes marin sur les carènes de bateaux, ce qui conduit à des économies massives de carburant dans le respect de l’environnement marin. Philippe Dubois travaille également sur la recyclabilité des polymères biosourcés grâce à l’enzymologie, avec pour objectif de réduire drastiquement la quantité de déchets produits.

Favoriser la recherche et la transition du savoir

En parallèle de ces recherches à la pointe de la science, Philippe Dubois s’investit avec conviction dans l’administration de l’Université de Mons. Vice-doyen de la Faculté des sciences (2002-2005), président du département de Chimie (2003-2007), il sera également conseiller du recteur pour la recherche scientifique (2006-2009). En parallèle, il fédère la recherche dans le domaine des polymères à travers la création du Centre d’innovation et de recherche en matériaux polymères (CIRMAP) en 2007 (dont il a la direction jusqu’en 2016), tout en étant co-président de l’Institut de recherche en sciences et ingénierie des matériaux (2012-2016). Directeur scientifique du centre de recherche Materia Nova asbl, dont il participe à l’initiative, conscient de l’importance des liens entre recherche, innovation et industrie, Philippe Dubois prend part à la mise en place de la spin-off GATE2 S.A, plateforme de valorisation des technologies et procédés développés et brevetés par Materia Nova. Après une année sabbatique pendant laquelle il fonde le centre de recherche de pointe National Composite Center (affilié au LIST) au Luxembourg, il est élu recteur-président de l’Université de Mons en 2018 (il était au préalable vice-recteur à la recherche), puis réélu pour quatre ans en 2022.

Des liens solides de collaboration

Cette fonction est pour Philippe Dubois l’occasion de placer « l’étudiant au centre de ses préoccupations » comme il le dit lui-même. Ce qui n’est pas un vain mot. « C’est quelqu’un qui est très investi pédagogiquement dans son rôle de recteur, raconte Sébastien Clément. Le chercheur montpelliérain est bien placé pour le savoir. « Philippe Dubois a été un mentor pour toute une génération de scientifiques en partageant de manière passionnée et toujours avec le sourire ses connaissances et ses conseils. J’ai fait partie de ces chercheurs qu’il a encadrés durant sa carrière. Nos chemins se sont croisés il y a un peu plus de 15 ans à l’occasion de mon stage post-doctorat. Ses premières paroles ont été : ‘ Installe-toi tranquillement, prends tes marques, et nous en rediscuterons plus tard du projet’. Des propos qui illustrent parfaitement ses qualités humaines et sa volonté d’offrir un environnement de travail épanouissant pour ses chercheurs, propice à la réussite de son laboratoire. »

Cette première expérience professionnelle partagée a conduit à d’autres collaborations une fois Sébastien Clément recruté par l’Université de Montpellier en 2009. Ensemble, ils ont encadré deux thèses en cotutelle et contribué à nouer de solides liens entre les deux universités, au niveau de la recherche comme de l’enseignement. Alors qu’en 2023 un accord Erasmus+ a été signé entre la Faculté des sciences de Mons et celle de Montpellier, de nouveaux projets communs sont déjà envisagés. Malgré un ancrage territorial fort, Philippe Dubois ne perd pas de vue l’importance de faire rayonner son université à l’international, raison pour laquelle il est le président de l’Université européenne EUNICE. Un autre point commun entre l’Université de Mons et l’Université de Montpellier, cette dernière étant fortement impliquée dans l’Université européenne CHARM-EU. La preuve que la recherche et l’enseignement sont des bases solides pour construire ensemble un avenir durable et engagé.  

Le prix de la science

Considéré comme l’un des scientifiques les plus influents de Belgique, Philippe Dubois a reçu de nombreuses récompenses tout au long de sa carrière dont le prestigieux Prix quinquennal du FNRS en sciences exactes appliquées 2011-2015 remis par le roi Philippe de Belgique en personne. Membre de l’Académie royale de Belgique et de l’Académie européenne des sciences, il est classé à la 18e place du top 100 mondial des chercheurs en sciences des matériaux 2000-2010 par Thomson-Reuters et dans le Top 2% World Scientists de l’Université de Stanford en 2020. Recteur-président de l’Université de Mons, il est directeur scientifique du centre de recherche Materia Nova, chercheur qualifié honoraire au FNRS, professeur adjoint à l’Université de Liège et professeur invité à l’Université de Namur ainsi que dans de nombreux établissements d’enseignement supérieur à l’étranger (USA, Chine, France, Luxembourg…).