Randall Wisser, le généticien qui allie IA et biodiversité

Le généticien américain Randall Wisser vient de rejoindre l’Inrae pour concevoir les semences de demain. Sa recette : puiser dans les ressources génétiques des semences mondiales puis modéliser par ordinateur leur adaptation à de nouveaux environnements.  En provenance de l’Université du Delaware, son arrivée à Montpellier fait suite à une mobilité EXPLORE, le programme de mobilité internationale de MUSE.

L’avenir des semences passe par la biodiversité. Si cette affirmation n’est sûrement pas partagée par tous les généticiens des semences, elle est défendue par Randall Wisser. Nommé directeur de recherche au Laboratoire d’Écophysiologie des Plants sous Stress Environnementaux, (LEPSE) de l’Inrae, le généticien américain s’explique : « Je fais partie de cette communauté scientifique qui essaie de comprendre la richesse de la biodiversité des semences et qui sait qu’une diversité culturale trop réduite est certainement un danger pour la durabilité du système ». Celui qui, il y a quelques mois à peine, travaillait encore à l’Université du Delaware, rejoint Montpellier justement « pour relever, au sein de ce pôle international de la recherche agronomique,  les défis auxquels l’agriculture est confrontée en raison du changement climatique ».

Depuis son doctorat à la Cornell University de New York, Randall Wisser, qui avec cette cordialité toute américaine passe très vite à Randy, se passionne pour la complexité du vivant à travers l’observation des phénomènes de résistance aux maladies des plantes. Il étudie au niveau moléculaire les nombreux mécanismes de protection en regardant les variations d’une plante à l’autre. Le chercheur comprend que de réduire le mécanisme de résistance à l’expression d’un seul gène offre une protection beaucoup moins stable que si toute la machinerie de défense de la plante mobilisée.

Modélisation virtuelle

États-Unis oblige, il travaille sur le maïs et regarde également comment adapter des variétés tropicales à un environnement plus septentrional. L’enjeu, puiser dans la biodiversité des variétés indigènes pour trouver des caractères de résistances à certaines maladies ou à la sécheresse, que le pool réduit des variétés cultivées occidentales n’offre pas. Puis les adapter à leur nouveau milieu. « Nos résultats ont montré que cette adaptation est assez rapide, une dizaine d’années environ », commente Randy Wisser. Mais ce qui est rapide à l’échelle de la recherche est une éternité pour les sélectionneurs. D’autant plus dans le contexte d’un changement climatique rapide. Intervient alors la puissance de calcul informatique qui va permettre de modéliser l’évolution de semences dans un nouveau milieu. « Grâce à nos recherches, nous développons simultanément une technique de prévision génomique et un système de modélisation virtuelle qui, nous l’espérons, permettront de raccourcir ces années et d’adapter le bon matériel à l’environnement ciblé », explique le généticien.

C’est sur cette compétence qu’a été fait son recrutement au LEPSE.  Ce laboratoire accueille la plateforme PhenoArch, stratégique pour sa recherche. En analysant, au niveau génétique, la réponse des plantes (croissance, transpiration et développement) aux conditions environnementales (sécheresse, température et lumière), la plateforme apporte en effet des quantités de données aux recherches de Randy Wisser. A l’Inrae, il va contribuer à étudier les adaptations de variétés exotiques à des environnement nouveaux. En particulier dans le cadre des prévisions des climatologues.

« L’essence de la science »

Quant à sa propre adaptation à l’écosystème de la recherche française, son arrivée fin novembre est encore un peu récente pour en tirer des conclusions. Mais un premier séjour de recherche à l’Inrae l’avait séduit, alors qu’il dit y avoir trouvé « l’essence de la science » à travers le travail d’équipe. Le compliment n’est pas mince, pour celui qui reconnaît qu’aux États-Unis, à ce stade de sa carrière, un chercheur a son propre laboratoire équipé du matériel dernier cris. « Les États-Unis sont fondés sur le concept d’indépendance, alors je crois que la nature de la collaboration est différente. Au LEPSE, j’ai l’impression qu’il y a une dynamique d’équipe où le résultat est plus grand que la somme de ses parties. »

Malgré son envie de montrer le bon côté des choses, Randy Wisser laisse entrevoir que l’arrivée dans l’Hexagone par temps de covid n’a pas été une sinécure. Il ne sait plus bien ce qui est le fait de l’immigration ou de la crise sanitaire, lorsqu’il se désigne comme un « Airbnb gipsy » pendant trois mois avant de trouver enfin un logement. Et de raconter ce moment irréel lorsque, avec sa femme et ses deux enfants, ils viennent gonfler la dizaine de passager de l’airbus A 380 qui les amène vers le vieux continent.