Raoul Belzeaux, une bidisciplinarité sans trouble

À cheval entre la psychiatrie et la biologie moléculaire, Raoul Belzeaux, PUPH et psychiatre au CHU de Montpellier, s’intéresse aux biomarqueurs des troubles psychiques. Le chercheur vient de recevoir le prix Marcel Dassault pour son projet de test rapide des troubles bipolaires.

À cheval entre la psychiatrie et la biologie moléculaire, Raoul Belzeaux, PUPH et psychiatre au CHU de Montpellier, s’intéresse aux biomarqueurs des troubles psychiques. Le chercheur vient de recevoir le prix Marcel Dassault pour son projet de test rapide des troubles bipolaires.

Dépister un trouble bipolaire avec une prise de sang. C’est le test que met au point Raoul Belzeaux, psychiatre au CHU de Montpellier et qui lui a valu le prix Marcel Dassault le 13 octobre 2022. Si l’efficacité du test est confirmée par un essai clinique, il contribuera à améliorer la prise en charge de ce trouble psychique encore mal diagnostiqué. Selon la Haute autorité de santé, entre les premiers symptômes et le diagnostic médical, il s’écoule aujourd’hui dix ans en moyenne. « Un médecin généraliste diagnostique facilement une dépression chez un patient ou une patiente, mais elle peut être le symptôme de différentes pathologies. Or, pour une dépression ou pour un trouble bipolaire, les traitements sont différents. La prise d’antidépresseurs peut même aggraver les troubles chez un patient bipolaire », explique Raoul Belzeaux. Le diagnostic repose sur le dosage des cytokines dans le sang, un biomarqueur inflammatoire qui présente des spécificités pour les patients et patientes atteints de troubles bipolaires (TB). Le TB est un trouble de l’humeur cyclique avec des phases de dépression et d’autres phases maniaques

Médecine de précision

Marier psychiatrie et marqueurs moléculaires, Raoul Belzeaux le pratique depuis ses études de médecine. Au cours de son internat en psychiatrie, il décide de reprendre un master en biologie moléculaire. En doctorat, il s’intéresse à la signature des ARN messager dans les épisodes dépressifs, autrement dit comment l’expression des gènes – mesurée à travers les ARNm – varie au cours du diagnostic et du traitement de la dépression. Ses résultats, soutenus en 2011, confirment en particulier que la variation attendue au niveau cérébral se retrouve dans le sang. « Aujourd’hui, c’est un fait admis mais la découverte de ce biomarqueur dans le sang était importante pour la pratique médicale car elle facilite le diagnostic », souligne le spécialiste.

Entre 2015 à 2017, il rejoint pour un postdoctorat l’équipe du Dr Gustavo Turecki à l’Université McGill à Montréal, « leader dans la recherche en épigénétique dans les troubles de l’humeur et le suicide », précise l’intéressé.  L’occasion d’identifier un nouveau biomarqueur, le récepteur GPR56, impliqué dans la régulation de la dépression. Porté par la vague de la médecine de précision et du diagnostic précoce, Raoul Belzeaux devient ainsi un spécialiste de l’identification des troubles de l’humeur par des biomarqueurs sanguins. Le chercheur a d’ailleurs rejoint depuis 2011 la fondation FondaMentale dédiée au développement de la médecine de précision en psychiatrie.

600 patients pendant deux ans

Pour ses dernières recherches sur le TB, l’enjeu est donc de trouver un biomarqueur facile à tester. « Les cytokines – des protéines impliquées dans la communication entre cellules du système immunitaire et au delà – étaient un bon candidat, car les outils pour les mesurer sont déjà largement disponibles », explique le chercheur. Hypothèse validée et récompensée cette année donc. Mais pour confirmer l’intérêt du test, ce dernier doit encore montrer sa supériorité par rapport aux outils de diagnostics existants. « Le questionnaire aujourd’hui utilisé par les médecins généralistes a une sensibilité d’environ 43% ; le test sanguin devra atteindre une efficacité supérieure à 75% pour justifier son développement industriel », souligne Raoul Belzeaux, qui reconnaît également que les cytokines sont le signe d’un état inflammatoire dont les raisons peuvent être multiples. Le test n’est donc applicable qu’après un diagnostic de dépression fait par un médecin : il permet alors seulement de discriminer une dépression d’un trouble bipolaire. Le chercheur rappelle ainsi qu’un biomarqueur est une trace, un indice de la situation du patient. « Les tests basés sur des biomarqueurs sont à prendre comme des outils à la disposition des praticiens et praticiennes et pas en substitution de leur travail », insiste le psychiatre.

Les 90 000 € du prix Dassault vont abonder le budget de 550 000 euros nécessaire pour conduire l’essai clinique sur 600 patients et patientes pendant deux ans. A la suite de quoi, si le test est validé, commencera le long chemin de la valorisation industrielle, avec en projet la création d’une startup en relation avec la SATT Sud-Est, une société chargée de transférer les technologies issues des laboratoires dans des applications industrielles.