Ce que votre ours en peluche révèle de vous et de votre rapport à la nature

Des chercheurs de l’Université de Montpellier, du CNRS, de l’Université de Montpellier Paul-Valéry et de l’Université Aix Marseille ont publié deux études complémentaires sur un objet universel et affectif : l’ours en peluche. Ces travaux, parus dans The Journal of Positive Psychology et dans BioScience, montrent que loin d’être de simples jouets, les nounours constituent de véritables modèles scientifiques pour comprendre nos émotions, nos comportements sociaux… et même notre lien à la nature.

La science du “cuteness” : beauté, réconfort et protection

La première étude, publiée dans The Journal of Positive Psychology, s’appuie sur plus de 11 000 participants qui ont évalué 436 photos d’ours en peluche. Résultat : le « capital sympathie » (cuteness en anglais) des nounours repose sur un trio gagnant, beauté, réconfort et envie de protéger. « Plus un ours en peluche paraît doux et beau, plus son capital sympathie déclenche notre envie de le protéger », explique Nathalie Blanc (Université de Montpellier Paul-Valéry). Chez les enfants, toutes ces dimensions participent de manière égale au capital sympathie. En revanche, chez les adultes, c’est le réconfort qui prédomine. « Ceci indique que pour les adultes, l’ours en peluche est majoritairement associé à une fonction réconfortante, et que ce critère sera déterminant lors d’un achat pour un enfant », précise Anne-Sophie Tribot (Université Aix Marseille). « D’ailleurs, les ours usés, abîmés ou présentant des designs très atypiques ont généralement moins de capital sympathie », poursuit Anne-Sophie Tribot. L’étude révèle d’autres différences générationnelles : les enfants préfèrent les ours colorés, atypiques et contrastés, alors que les adultes se tournent davantage vers des ours bruns qui sont des modèles plus classiques. Les chercheurs montrent aussi que la perception de la douceur est centrale, chez les adultes comme chez les enfants : « même en photo, c’est la peluche qu’on imagine la plus agréable à câliner qui nous séduit le plus ». « Le capital sympathie (spontanément attribué à l’ours en peluche) n’est pas seulement une affaire d’esthétique : il nourrit aussi l’empathie et potentiellement stimule les comportements prosociaux », conclut Nathalie Blanc. A n’en pas douter, l’ours en peluche est un formidable outil de connaissance du fonctionnement psychologique de l’individu

Trop mignons pour être sauvages : un miroir de notre déconnexion de la nature

La seconde étude, parue dans BioScience, s’est appuyée sur une analyse inédite : les chercheurs ont comparé les caractéristiques morphologiques et colorimétriques des ours en peluche évalués dans leur première étude avec celles des véritables ours. Les résultats montrent que les ours en peluches répondent à des standards esthétiques universels : têtes disproportionnées, yeux proéminents, silhouettes arrondies, pelages uniformes et couleurs neutres, qui les rendent immédiatement attachants. Mais ces traits ne ressemblent pas à ceux des ours sauvages. « Nos analyses révèlent que les ours réels sont loin des standards des peluches les plus appréciées : même le panda, pourtant devenu une icône mondiale, reste distant des représentations véhiculées par les ours en peluche », souligne Nicolas Mouquet (Université de Montpellier, CNRS). Ces différences traduisent un décalage profond entre l’expérience émotionnelle de la nature et sa réalité biologique. « L’ours en peluche est un miroir de notre rapport à la nature : il incarne à la fois la tendresse du lien affectif mais aussi notre distance au monde réel », explique Nicolas Mouquet. « Tout comme les médias et l’art, les jouets et les peluches jouent un rôle majeur dans la diffusion et la popularisation des représentations idéalisées du vivant », rappelle Anne-Sophie Tribot. Cette vision idéalisée peut sembler anodine, mais elle questionne : « si nos représentations du vivant sont construites à partir de symboles trop caricaturaux, ne risquons-nous pas de perdre notre capacité à percevoir et à protéger la complexité du monde naturel ? » ajoute Nicolas Mouquet.

Bien plus que des jouets !

Ces deux recherches convergent : les ours en peluche ne sont pas que des compagnons d’enfance. Ils agissent comme des miroirs de nos émotions, de nos représentations sociales et de notre rapport à la nature. Leur capital sympathie fait d’eux des outils puissants pour développer l’empathie chez les enfants, apaiser l’anxiété en milieu médical, ou encore questionner notre façon de protéger la biodiversité. « Les ours en peluche ne sont pas que des jouets : ce sont des médiateurs de tendresse, d’empathie et d’affection, des totems à travers lesquels nous pouvons cultiver des valeurs pro-nature ; encore faut-il apprendre à les utiliser avec discernement. », conclut Nicolas Mouquet.

Informations pratiques

Le projet de peluchologie est porté depuis 2010 par l’Université de Montpellier et consiste à développer des actions de médiation des sciences naturalistes et participatives par des sites internet collaboratifs, des expositions itinérantes, de la formation et des actions événementielles pour scolaires et familles. Ces actions sont en phase de diffusion à l’échelle nationale à la suite de l’obtention du label Science Avec et pour la Société (SAPS) du Ministère de l’Enseignement supérieur.

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