De battre mon poumon s’est arrêté

Si la réputation du cœur n’est plus à faire, on ignore souvent que le bon fonctionnement des poumons est lui aussi conditionné par un battement : celui des cellules multiciliées. Pour guérir les pathologies qui touchent ces cellules indispensables, des chercheurs en médecine régénérative remontent le cycle de la vie.

Une bonne bronchite et vous voilà en train de « cracher vos poumons ». Si le phénomène n’est pas très agréable, il témoigne néanmoins du bon fonctionnement de vos bronches qui, pour se débarrasser poussières et des germes, sécrètent un mucus capable d’agglomérer ces impuretés. Mais comment nos poumons expulsent-ils ce mucus ? « Nos bronches sont tapissées d’un épithélium bronchique constitué de cellules dont la surface est recouverte de cils. En produisant un battement celles-ci vont orienter le mucus de façon à ce qu’il remonte et soit expulsé » explique John De Vos chercheur en médecine régénérative à l’IRMB1. Quand le fonctionnement de ces cellules multiciliées n’est plus ou mal assuré on parle alors de dyskinésies ciliaires primitives (DCP). Des pathologies rares et lourdes qui peuvent nécessiter une greffe de poumon.

Alchimie moderne

Dans le but de restaurer le mouvement de ces cellules multiciliées, John De Vos et Arnaud Bourdin, pneumologue au CHU de Montpellier, travaillent depuis plusieurs années sur les cellules souches pluripotentes induites, les iPS. « Pour comprendre les iPS j’aime rappeler que nous sommes constitués de cellules différenciées, stables dans le temps, qui constituent soit de la peau, soit des os, soit du foie ou du poumon, etc. » Ces cellules commencent à se différencier à partir du 5e ou 6e jour du développement embryonnaire humain. A ce stade immature on parle alors de cellules pluripotentes, autrement dit des cellules capables de se reproduire à l’infini et de se différencier dans tous les types de cellules qui composent un organisme humain.

En partant des travaux de Shinya Yamanaka (Shinya Yamanaka, père des cellules souches pluripotentes, 8/10/2012, Le Monde), prix Nobel 2012, les deux chercheurs montpelliérains sont parvenus à faire remonter des cellules sanguines adultes donc stables, à l’état de cellules non différenciées, on parle alors de cellules pluripotentes induites. « A partir d’une simple prise de sang réalisée sur une patiente atteinte de dyskinésie ciliaire et grâce à une technique plutôt simple consistant à rallumer 4 gènes embryonnaires, nous obtenons ces iPS » explique John De Vos. Ces iPS ont ensuite été placées pendant une semaine dans un milieu mimant l’environnement naturel de l’embryon et « guidées » pour obtenir des cellules de poumon. Placées dans les bonnes conditions, elles vont produire de l’épithélium bronchique en 40 jours environ. « Parfois j’utilise une image qui est celle de l’alchimie mais au lieu de faire de l’or avec du plomb, nous transformons du sang en bronche. » (Regarder la conférence de John Devos sur Les cellules souches reprogrammées pour modéliser la bronche dans le cadre du 9ème congrès de l’association médecine/pharmacie sciences.)

Bronches en condition

L’objectif étant de remplacer l’épithélium malade par un nouvel épithélium sain, les chercheurs ont dû modifier génétiquement les cellules atteintes de DCP. « Ce travail réalisé par Joffrey Mianné dans le cadre de sa thèse a permis de réparer l’anomalie génétique de la patiente dans sa lignée IPS et de faire un épithélium bronchique capable de battre de nouveau. » Pour greffer efficacement cet épithélium, John De Vos et son équipe devront préalablement conditionner les bronches du patient. « Si nous déposons les cellules réparées à la surface de l’épithélium malade celles-ci risquent d’être expulsées comme n’importe quelle poussière. Il va donc falloir le gratter en procédant une bronche à la fois avant d’injecter les nouvelles cellules. » Des essais sur l’animal commenceront dans les prochains mois en espérant, d’ici quelques années, faire battre de nouveau les poumons et les cœurs des patients.


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  1. IRMB (UM, Inserm)
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