Institut ExposUM : “Créer un sentiment de communauté fort”

Mieux identifier et analyser les facteurs environnementaux externes capables d’affecter la santé humaine, tel est l’objectif de l’Institut ExposUM lancé ce mardi 14 mars. Un an après avoir décroché auprès de l’État et de la Région un financement de 46,4 millions sur 8 ans, l’équipe présente un programme ambitieux : rassembler l’ensemble de la communauté scientifique montpelliéraine autour d’une thématique commune en finançant des programmes de recherche et de nouveaux dispositifs de formation.

« Avec ce lancement, ce que nous voulons c’est d’abord annoncer le programme des prochains mois et des prochaines années mais surtout, nous souhaitons créer un sentiment de communauté fort autour de l’Institut ExposUM en communicant les valeurs qui en sont la base » explique Charlotte Boullé, chercheuse dans l’équipe TransVIHMI et membre du comité de direction, « le codir », d’ExposUM. Un nom choisi en référence au concept d’exposome qui désigne « l’ensemble des expositions à des facteurs externes et environnementaux (alimentation, pollution, agents infectieux, etc.) capables d’affecter la santé humaine, explique Eric Delaporte, professeur de maladies infectieuses et lui aussi membre du « codir » qui en compte en tout quatre : Charlotte Boullé, Eric Delaporte mais aussi Mircea Sofonea épidémiologiste à PCCEI et Aurélie Binot anthropologue-agronome à Astre.

Un thème fédérateur

Revenons quelques mois en arrière. En novembre 2021 l’Université de Montpellier et ses partenaires* apprenaient qu’ils étaient lauréats, avec ExposUM, de l’appel à projets « Excellences sous toutes ses formes » du programme d’investissements d’avenir (PIA4). A la clé un financement de l’État de 23,2 millions d’euros doublé par la Région Occitanie, soit une très très grosse enveloppe de 46,4 millions d’euros sur huit ans, pour un projet conçu pour mobiliser toutes les forces vives de l’Université. « C’est un thème extrêmement fédérateur à Montpellier, poursuit Eric Delaporte, il va permettre de croiser un grand nombre de thématiques mais aussi de multiples disciplines telles que la cancérologie, la nutrition, l’écologie, la chimie, les sciences sociales… »

Un an plus tard et après d’innombrables réunions, visios, messages sur diverses plateformes collaboratives et autres, c’est un programme ambitieux que présentent les porteurs de l’Institut ExposUM. Recherche, interaction sciences-société, formation, chaque axe du projet, comme le rappelle Charlotte Boullé, se veut traversé par un ensemble de valeurs. « Interdiciplinarité, orientation forte vers les pays du Sud, approche intégrée de la santé One Health, interactions avec les acteurs de la société » font partie des traits qui dessinent la charpente de l’Institut. Un conseil d’orientation scientifique et stratégique (COSS) paritaire et pluridisciplinaire, présidé par Jacques Mercier, vice-président de l’Université de Montpellier chargé de la recherche, guide sa mise en œuvre.

Premier appel à projet

Dans la foulée, le 9 décembre dernier, ExposUM lançait son tout premier appel à projet (AAP). Doté d’une enveloppe de 2 millions d’euros, il propose comme première thématique l’exposome émergent. Les lauréats se verront attribuer des financements de 100 à 300 000 euros pour développer leurs projets sur 1 à 3 ans. « Chaque année un nouvel appel à projet sera lancé, poursuit Charlotte Boullé. Nous avons choisi de fonctionner par AAP dans un souci de transparence vis-à-vis de la communauté de recherche et mis en place un processus de sélection qui se veut le plus lisible possible. » Les candidats ont jusqu’au 7 avril pour déposer leur dossier avant que le COER (conseil d’orientation et d’évaluation de la recherche, également paritaire et pluridisciplinaire, mis en place à cet effet) puis le COSS ne rendent leurs arbitrages en juillet prochain pour un lancement dès septembre.

Autre action importante du volet recherche : la création de chaires dites « ExposUM fellowships » proposant des conditions de recherche très attractives. « Il s’agira de contrats de deux ans reconductibles une fois sur des postes environnés, c’est-à-dire que le chercheur disposera d’une enveloppe pour ses frais de fonctionnement et pour le financement d’une masse salariale pouvant aller jusqu’à trois personnes » détaille la chercheuse. Six postes devraient ainsi voir le jour.

Doctoral nexus

La formation est elle aussi au cœur des intentions d’ExposUM avec l’annonce du financement de 60 thèses en huit ans dans le cadre du programme doctoral nexus. « Le constat aujourd’hui est que nous ne valorisons pas encore suffisamment l’interdisciplinarité. Nous voulons encourager les futures générations de chercheurs et chercheuses à se saisir de cette modalité en les y acculturant dès le doctorat avec la création de ces doctoral nexus » explique Charlotte Boullé. Là encore des appels à projet seront lancés. Pour y répondre les chercheurs devront se fédérer afin de diriger des réseaux de trois ou quatre doctorantes et doctorants inscrits dans des disciplines différentes mais liées par une thématique commune. « Nous prenons en compte la charge de travail supplémentaire qu’implique cette interdisciplinarité en accordant à chaque doctorante ou doctorant un financement pour quatre ans au lieu des trois habituels. Chacun disposera également de 20 000 euros sur 4 ans pour la prise en charge matérielle de ce travail collectif. »

Dans le courant de l’année, ExposUM devrait aussi aider les doctorants et post-doctorants à financer des allocations de stage et de fonctionnement pour s’entourer d’étudiantes ou un d’étudiants en master et les accompagner pour qu’ils se familiarisent avec l’encadrement, « une dimension importante dans un parcours de recherche à laquelle nous ne sommes pas toujours bien préparés » constate la chercheuse. Enfin et parce que le projet se veut non seulement tourné vers les Suds mais aussi ouvert à l’international, ExposUM souhaite valoriser la formation à l’étranger. « Beaucoup de chercheurs font de la formation à l’étranger de manière informelle à l’occasion de leurs déplacements, souligne Charlotte Boullé. Le dispositif UM abroad vise à les valoriser en tant qu’enseignement de l’Université de Montpellier hors les murs avec de petites enveloppes de financement de 10 à 15 000 euros. » 

Animations scientifiques

Afin de renforcer cette vision interdisciplinaire, des animations scientifiques transversales seront proposées aux membres de la communauté des chercheuses et chercheurs d’ExposUM pour les accompagner dans leur réflexion, à la croisée de disciplines aux cadres théoriques et méthodologiques bien différents. « Cet effort d’animation se traduira dans l’émergence de nouvelles thématiques interdisciplinaires, croisant notamment les regards des sciences médicales, environnementales et sociales, tant au niveau des futurs AAP que des nexus doctoraux » déclare Aurélie Binot référente pour l’axe « Interaction » au sein de la codirection.

Une animation scientifique au cœur de la démarche de l’Institut qui entend bien relever un autre défi : mieux comprendre, les problèmes d’exposition auxquels sont confrontés les acteurs associatifs, privés ou politiques afin de « les traduire auprès des chercheurs et de faire incuber des actions « transdisciplinaires » mobilisant scientifiques et acteurs de la société dans des défis partagés » conclut Aurélie Binot.

* Cirad, CNRS, Ifremer, INRAe, Inria, Inserm, IRD, ENSCM, Institut Agro, CHU Montpellier, ICM, Région Occitanie.