L’aurore boréale de 1737 dévoilée

C’est la plus ancienne reproduction connue d’aurore boréale : cette gravure en noir et blanc du XVIIIe siècle vient de retrouver ses couleurs originelles grâce à une équipe réunissant le LIRMM, le CNRS, la Bibliothèque Universitaire des Sciences et l’IUT de Béziers.
“Il y eut des colonnes, des jets de lumière et plusieurs gerbes de rayons…”. Ce 16 décembre 1737, les astronomes de Montpellier décrivent un fantastique rideau de couleurs. Un phénomène exceptionnel observé à Paris, et jusqu’en Italie. Si leur dessin, premier de son genre, est parvenu jusqu’à nous, c’est sous la forme d’une gravure en noir et blanc, insérée dans le Traité physique et historique de l’aurore boréale (1754) de Jean-Jacques Dortous de Mairan. Exit les chatoyantes couleurs du spectaculaire phénomène…

Énigme graphique

Mais en compulsant cet ouvrage du fonds ancien de la Bibliothèque Universitaire des sciences, Elizabeth Denton fait une découverte. « Le graveur a employé un code graphique permettant de noter les couleurs : un système de hachures et de points, utilisé depuis le Moyen-Âge en héraldique, décrit la responsable du service patrimoine de la BU. Or, qui dit code dit informatique… »
Pour restaurer les couleurs de l’aurore boréale de 1737, il ne restait donc qu’à confier la gravure à l’ordinateur. « Pas si simple ! », explique William Puech, responsable du projet ICAR au Laboratoire d’Informatique, de Robotique et de Microélectronique de Montpellier (LIRMM). « En plus des textures, le graveur s’est appliqué à rendre les nuances de gris. Il fallait donc restituer les dégradés en même temps que les couleurs. Une véritable énigme graphique à résoudre ! »

Phénomènes longtemps inexpliqués

Énigme résolue avec l’aide de Gérard Subsol du CNRS, ainsi que de deux étudiants en Master informatique et d’un stagiaire de l’IUT, Antoine Noto. « En faisant transiter l’image par un autre espace de couleurs – le YCrCb qui utilise le signal de luminance (noir et blanc), plus deux informations de chrominance (le bleu et le rouge) – et en superposant plusieurs traitements de l’image, on a pu rendre à la fois les informations de couleur et les différences d’intensité ». Et voir réapparaître une aurore boréale observée il y a près de 300 ans… Une méthode qui pourrait être systématisée pour d’autres gravures anciennes de même type.
L’aventure a aussi de quoi passionner l’historien. « En écrivant son ouvrage, impressionnante somme érudite qui compile 1 441 observations depuis le VIe siècle, de Mairan tentait de donner un éclairage scientifi que à des apparitions aussi impressionnantes qu’inexpliquées » dit Elizabeth Denton. Une façon de rassurer le public sur ces phénomènes en forte recrudescence au XVIIIe siècle… et dont l’explication ne sera confirmée qu’en 2008, grâce à la mission THEMIS de la NASA.

L’aurore boréale, original – Crédit : B. Py, B.I.U. Montpellier
L’aurore boréale après traitement informatique – Crédit : W. Puech, LIRMM