Les « Pépite » ont-ils trouvé leur légitimité ? Regards d’étudiants-entrepreneurs

En octobre 2013, Geneviève Fioraso, ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche lançait ce qui devait être un vaste plan en faveur de l’entrepreneuriat étudiant. Celui-ci s’est notamment traduit par le lancement en 2014 des Pôles étudiants pour l’innovation, le transfert et l’entrepreneuriat, ce à quoi correspond l’acronyme « Pépite ».

Karim Messeghem, Université de Montpellier; Abdelaziz Swalhi, Université de Montpellier et Constance Banc, Université de Montpellier

Les Pépites ont vocation à accompagner les étudiants-entrepreneurs, statut créé en 2014. Magnet.Me / Pixabay, CC BY-SA

Ce dispositif s’inscrit, au même titre que le statut d’étudiant-entrepreneur dans le prolongement des assises de l’entrepreneuriat organisées en 2013 qui avaient mis en lumière la fragilité voire la précarité de l’entrepreneuriat étudiant. Les Pépite, au nombre de 33 en Métropole et en outre-mer, ont pour mission la sensibilisation, la formation et l’accompagnement des étudiants qui se lancent.

Près de 10 ans plus tard, nous avons tenté d’établir un bilan de ces outils toujours en vigueur. En 2019, une première évaluation, tout en soulignant le bienfondé de ce dispositif, mettait en lumière un déficit de notoriété notamment vis-à-vis des étudiants et des entreprises. Ce rapport recommandait notamment de renforcer les liens avec les acteurs de l’écosystème entrepreneurial territorial, objet de nos recherches.

Des structures jugées utiles

Certes, aujourd’hui, la France est reconnue pour les actions mises en œuvre pour soutenir l’entrepreneuriat étudiant. Dans l’étude du Global Entrepreneurship Monitor, la France se classe 7e parmi les 22 pays les plus riches pour la promotion de l’entrepreneuriat dans les études supérieures mais seulement 17e au primaire et au secondaire. Qu’en pensent les principaux intéressés qui sont accompagnés au sein des pôles ?

Dans le cadre de la chaire Entrepreneurial Ecosystem Lab du Labex Entreprendre, nous avons mené une étude sur la légitimité des Pépite auprès de 151 étudiants-entrepreneurs issus de 15 pôles en France. Par « légitimité », nous désignons l’adéquation perçue d’un acteur avec un écosystème entrepreneurial en termes de règles, de valeurs, de normes et de définitions.

Une échelle de mesure tente de la capter et vise ainsi à apprécier l’aptitude perçue des Pépite à encourager une dynamique de marché (dimension utilitaire), favoriser une dynamique entrepreneuriale (dimension existentielle) et contribuer au développement de l’écosystème (dimension socio-économique). Les 18 items qui la composent ont été évalués de 0 (« pas du tout ») à 100 (« tout à fait »). Selon les étudiants interrogés, les Pépite présentent globalement un bon niveau de légitimité (score moyen de 74,36/100) mais on note des différences selon les trois dimensions de l’échelle.

Le score le plus élevé concerne la dimension socio-économique (78,92/100). Selon les répondants, les Pépite sont bien reconnus par les autres acteurs de l’écosystème. Ils soulignent leur bon ancrage au sein des écosystèmes entrepreneuriaux territoriaux et considèrent qu’ils participent bien à leur animation ainsi qu’à leur gouvernance.

Le score pour la dimension utilitaire s’avère un peu plus faible (73,17/100). Si les Pépite sont considérés comme utiles au sens de la création de valeur globale pour les étudiants-entrepreneurs, ces derniers estiment qu’ils pourraient participer davantage à l’apport de ressources, en particulier financières (levées de fonds, rencontres d’investisseurs, etc.) et immatérielles (mentorat, formations, etc.). Leur contribution en termes d’évaluation d’opportunités est assez reconnue.


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Le score le plus faible est observé pour la dimension existentielle (70,97/100). Les étudiants interrogés considèrent que les Pépite sont indispensables dans l’écosystème mais ils sont cependant un peu plus réservés sur l’expérience entrepreneuriale des équipes et sur la capacité des Pépite à prendre des risques dans les activités stratégiques et quotidiennes (sélection des projets, etc.).

Une légitimité source de performance

Notre étude montre, de plus, que cette légitimité perçue favorise la confiance (85/100) et la satisfaction (76/100) envers les Pépite auprès des étudiants-entrepreneurs. Cette deuxième dimension, d’ailleurs, semble davantage influencée par la légitimité. Elle explique environ les deux tiers de la variation de la satisfaction contre 57 % pour la confiance.

Ces résultats soulignent l’intérêt de mesurer la légitimité comme levier de performance des structures. Un Pépite perçu comme légitime par les étudiants-entrepreneurs aura davantage de chances d’obtenir un bon niveau de satisfaction et de confiance. Ainsi pouvons-nous penser que les étudiants-entrepreneurs qui perçoivent le Pépite comme légitime seront plus enclins à participer et s’impliquer dans ses activités et pourront ainsi mieux apprécier les services et l’accompagnement proposés.

De manière générale, ces structures ont tout intérêt à travailler sur leur stratégie de légitimation pour obtenir un meilleur niveau de satisfaction et de confiance auprès des étudiants-entrepreneurs. Une voie de progrès identifiée pour cela réside dans le renforcement de leur capacité à faciliter l’accès aux ressources.

Karim Messeghem, Professeur des universités, Université de Montpellier; Abdelaziz Swalhi, Maître de Conférences en sciences de gestion, Université de Montpellier et Constance Banc, Docteure en Sciences de gestion et du management / Ingénieure de recherche au LabEx Entreprendre, Université de Montpellier

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.