Le savoir à l’épreuve du doute

“Que sais-je ?” demandait Montaigne. Face à la quantité d’informations qui nous alimentent sans nous demander notre avis, la question se pose plus que jamais… L’influence de la lune sur les plantes, l’efficacité des régimes protéinés, la nocivité supposée des OGM ou encore celle des vaccins…
Autant de sujets de société sur lesquels vous avez peut-être une opinion arrêtée. Mais comment s’est-elle forgée ? A l’ère des autoroutes de l’information, les convictions se construisent à la vitesse du haut débit. Pour abreuver notre soif de certitude, les sources sont désormais innombrables, et les rumeurs puissamment relayées : blogosphère, réseaux sociaux, talk-shows, magazines…

Esprit critique

Une cacophonie où culminent parfois des avis autorisés : ceux des “experts”. Des voix qui contribuent à forger nos convictions les plus indéracinables. Celles-là même dont il convient parfois de se méfier… “Un expert présenté comme tel ne l’est pas toujours. Il peut aussi sortir de son champ d’expertise, être influencé par un lien d’intérêt, exprimer un avis personnel… ou encore se tromper !”
Premier réflexe à avoir ? Douter, bien sûr : première étape sur la voie de l’esprit critique. Pour l’exercer pleinement, encore faut-il “chercher des paroles contradictoires, mais aussi appliquer des méthodes simples : identifier les enjeux sous-jacents, évaluer la qualité des sources, la force des arguments présentés, la rigueur méthodologique, le degré d’expertise de celui qui parle…” résume Guillemette Reviron, docteure en mathématiques et co-fondatrice du collectif Cortecs.

Enjeux démocratiques

Né en 2010 dans les milieux universitaires à Grenoble, Montpellier et Marseille, ce “collectif d’enseignement et de recherche en esprit critique et sciences” propose des cours, des interventions, des ressources pédagogiques en accès libre. Avec cette idée : permettre à chacun, autant que faire se peut, de faire ses choix en connaissance de cause. Et une spécificité : “en cours, on évoque toujours des sujets simples, stimulants et suscitant peu de réactions affectives, avant de passer à des questions plus complexes”, explique Caroline Roullier ; docteure en biologie et membre du collectif, elle intervient en collèges et forme des enseignants.
Selon le collectif Cortecs, il en va du fonctionnement même de notre démocratie. “Justifiées ou non, nos convictions contribuent à dessiner le monde dans lequel nous vivons. Elles fondent nos décisions collectives, ainsi que celles de nos élus”. La connaissance : un enjeu de pouvoir que les citoyens ne doivent plus laisser entre les mains des experts, explique Guillemette Reviron. “Aujourd’hui, chacun se trouve débordé par des enjeux de plus en plus complexes. Mieux les appréhender, c’est un bon début pour prendre sa place dans les processus de décision”.