Neurobiomics : contre la maladie d’Alzheimer, un remède caché dans la flore intestinale…
Né d’un partenariat entre l’Institut de Génomique Fonctionnelle (IGF) et l’Institut Pasteur, le projet Neurobiomics développe un médicament prometteur prélevé dans le microbiote intestinal, capable d’impacter la mémoire. Un projet innovant qui a bénéficié du soutien et de la mobilisation du pôle universitaire d’innovation (PUI).

Quand deux équipes de recherche allient leurs savoirs et leurs expériences, elles font des étincelles. C’est très précisément ce qui s’est passé avant la naissance de la startup NBX Biosciences, boostée par les dispositifs du Pôle universitaire d’Innovation, et désormais en passe de développer un médicament prometteur pour le traitement de la maladie d’Alzheimer.
Chercheuse à l’IGF, Sylvie Claeysen s’intéresse à l’implication du microbiote intestinal dans l’apparition de l’Alzheimer depuis 2014. Durant toutes ces années, elle planche plus précisément sur la composition du microbiote de sujets malades, et parvient, dans le cadre d’une étude menée en collaboration avec le Centre Mémoire Ressources Recherche (CMRR) du CHU de Montpellier, à analyser les protéines et les métabolites produits par la maladie. “Pour la dépression et pour l’obésité, nous savions déjà que le microbiote influençait le phénotype de son hôte. Cette fois-ci, nous avons réussi à faire une corrélation entre microbiote et cognition. A l’occasion de nos études, nous avons aussi suivi l’impact sur la consommation alimentaire, ou encore sur le sommeil. Et les échantillons collectés sur les sujets touchés par la maladie d’Alzheimer m’ont servi à tester la transplantation de microbiote sur des modèles murins”, détaille la chercheuse.
Un effet protecteur sur la mémoire
Lors d’une conférence organisée en 2021, elle fait la connaissance de Damien Rei, post-doctorant à l’époque, qui travaillait sur le même thème pour l’Institut Pasteur. “Dans le cadre de son “post-doc”, il a démontré que lorsqu’on transfère le microbiote de sujets âgés à des souris, on impacte la mémoire de l’animal”. Alors cette année-là, les deux chercheurs décident d’avancer main dans la main dans le cadre du projet Neurobiomics.
Dans leurs recherches, le comportement animal joue un rôle central. “Il est très compliqué d’étudier la mémoire sur des cellules… Nous sommes obligés de l’étudier sur l’animal, mais nos tests sont non-invasifs”, explique Sylvie Claeysen. “Face à deux objets identiques, la souris explore et renifle. Cinq minutes plus tard, quand on la remet en présence de deux objets dont l’un est nouveau, comme elle est curieuse, elle passe plus de temps devant celui qu’elle ne connaît pas. Et nous refaisons le test 24h après… Si elle explore les deux objets de la même manière, c’est qu’elle ne s’en rappelle plus”, poursuit la chercheuse, qui examine aussi d’autres paramètres complémentaires, comme l’activation des neurones ou l’inflammation cérébrale. De son côté, Damien Rei est en charge du criblage des souches bactériennes capables d’avoir un effet protecteur sur la mémoire. Et c’est ainsi qu’ensemble, le duo développe un candidat-médicament prometteur.
Analyser la bactérie
Actuellement, les deux équipes réalisent des tests sur des mini-intestins pour mesurer son effet potentiel chez l’humain. “Ce système nous permet d’utiliser des flores intestinales de sujets sains ou atteints de la maladie d’Alzheimer. Cela nous permet d’analyser la bactérie, dont l’intérêt a déjà été breveté, et son mécanisme d’action. C’est le travail que nous réalisons en ce moment”, confie la chercheuse, qui ambitionne d’approfondir encore les connaissances sur le sujet, et d’aller “au-delà de la preuve de concept”.
Officiellement créée en 2023, la société a été baptisée NBX Biosciences, et a bénéficié du programme “Companies and campus”, qui a joué le rôle de rampe de lancement entre le monde universitaire et le monde socio-économique. “Ce programme nous a permis d’embaucher une ingénieure, et d’avancer petit à petit en phase préclinique”, ajoute Sylvie Claeysen.
Dans la foulée, le binôme espère entrer rapidement en phase pré-industrielle pour pouvoir générer des lots de bactéries, qui agiront à la manière de probiotiques, dans un milieu de culture qu’ils souhaitent le moins impactant possible pour l’environnement. Maturée dans le giron de la Société d’accélération de transfert de technologies (Satt AxLR) et du BIC (Business & Innovation Centre) de Montpellier, NBX Biosciences a été la toute première entreprise lauréate du programme Boost Invest MedVallée en mars 2024. Dans les semaines à venir, elle devrait aussi se porter candidate au concours i-Lab de Bpifrance. Et si tout se déroule sans problème majeur, les chercheurs pourraient démarrer les essais cliniques de phase 1, chez l’humain, d’ici un an ou deux…