Madhur Anand, écologue, modélisatrice et poète

Professeure de l’Université de Guelph au Canada, l’écologue Madhur Anand fait dialoguer sciences et arts, jusque dans sa pratique. Modélisatrice et autrice, elle profite de son accueil montpelliérain au premier semestre 2025 pour associer séminaires interdisciplinaires et dédicaces à la Comédie du livre.

Madhur Anand est à son aise à MAK’IT. L’institut d’études avancées vient raisonner avec les travaux de la chercheuse de l’Université de Guelph au Canada, spécialisée depuis plus de 25 ans dans la modélisation des systèmes complexes. Elle qui croise sciences environnementales, mathématiques et humaines connaît bien le sujet : « Pratiquer la pluridisciplinarité ne se réduit pas à passer du temps ensemble. Chaque discipline a son langage et il faut penser des traductions pour passer de l’une à l’autre, avec des interprètes, faute de pouvoir apprendre toutes les langues disciplinaires ».

Ambitionnant de faire dialoguer sciences et arts, la chercheuse va plus loin : « La traduction est essentielle en littérature, les sciences doivent s’en inspirer ! » Madhur Anand en a d’ailleurs fait le thème central de son premier roman, « To Place a Rabbit », qui vient de paraître ce printemps aux éditions Knopf Canada (Penguin Random House Canada). La protagoniste principale de l’histoire est une scientifique qui se lie d’amitié avec une romancière et lui propose de traduire en langue originale son dernier livre publié uniquement en traduction française, une langue que l’autrice elle-même ne peut ni lire ni comprendre. Et pour cause : cette dernière a perdu le manuscrit original de son ouvrage. Le processus de traduction va emmener la scientifique à perdre progressivement le contrôle du cours des évènements…

Point de bascule

Interrogée sur cette double vocation d’autrice et de scientifique, Madhur Anand raconte comment la dimension créative s’est imposée à elle dès le début de sa production académique.

« Durant la dernière année de ma thèse, j’étais incapable d’écrire, le syndrome de la page blanche. Lorsque j’ai réussi à poser des mots, c’est un poème qui est sorti. Depuis, je n’ai plus arrêté d’écrire de la poésie, et maintenant aussi des romans », raconte celle qui n’a pas trouvé d’explication à ce virage littéraire : « je ne l’avais pas vu venir. Cette étape a été un point de bascule dans ma carrière. »

Les points de bascule sont justement une matérialisation de cette articulation entre sa vie d’artiste et de chercheuse. Dans ses modélisations, elle s’intéresse à ces seuils écologiques qui peuvent entrainer le basculement d’un écosystème vers un nouvel état, mais aussi aux points de bascules sociaux qui pourraient engager la société dans une réponse aux crises écologiques et climatiques.

« Dans mes modèles, j’essaie d’examiner les feedbacks positifs et négatifs entres les systèmes environnementaux et les dynamiques humaines. La plupart des modèles ne font pas ce lien. L’idée et simple : les changements environnementaux peuvent inciter des changements sociaux, à l’échelle individuelle ou sociétale, et vice-versa. Ces modèles ambitionnent donc de comprendre comment mieux agir pour répondre aux crises ». Thème qui a fait l’objet d’un séminaire MAK’IT le 23 mai, et d’un workshop le 7 juillet 2025.

La présence de Madhur Anand à Montpellier ce printemps est aussi une coïncidence étonnante, puisque la ville est le décor de son nouveau roman, imaginé il y a quelques années lors d’un passage rapide dans la cité héraultaise. « Je n’ai jamais imaginé être à Montpellier au moment de la sortie de mon livre », s’étonne encore celle qui a accordé des séances de dédicaces lors de la Comédie du livre en mai 2025.