“Il n’y a pas de tolérance à avoir envers ces actes là !”

Deux temps forts ont marqué la vie des campus de l’Université de Montpellier ce dernier mois. La semaine de lutte contre les LGBT+ phobies et les journées d’actions contre les violences faites aux femmes. Retour sur ces thématiques incontournables avec Julie Boiché vice-présidente chargée de la responsabilité sociale et Agnès Fichard Carroll vice-présidente chargée de la formation et de la vie universitaire et chargée de mission égalité.

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L’Université de Montpellier s’engage contre toutes les formes de violences. Un engagement qui concerne donc vos deux vice-présidences pouvez-vous nous détailler vos périmètres respectifs ?

JB : Cette délégation que j’assume depuis janvier couvre entre autres la semaine contre les LGBT + phobies, les journées contre le racisme et l’antisémitisme et plus globalement toutes les actions qui concernent ces deux thématiques. Je suis également référente pour les signalements de violence ou de discrimination relevant de critères autres que le genre.
AFC : Ma mission concerne l’égalité femmes-hommes, la lutte contre les violences sexistes et sexuelles en est l’un des aspects indissociables.

En 2020, la semaine de lutte contre l’homophobie a été rebaptisée semaine de lutte contre les LGBT+ phobies. Pourquoi ?

JB : Pour être le plus inclusif possible et prendre en compte des préoccupations qui se complexifient. Alors pourquoi LGBT+ et pas LGBTQI+ ou QIA+ ? Parce qu’on constate que les premières lettres sont souvent les mieux identifiées. Pour autant les questions relatives aux identités de genre qui se distinguent de l’orientation sexuelle sont de plus en plus posées dans la société actuelle. C’est d’ailleurs pourquoi nous avons consacré la table ronde à ces deux thèmes.

Les journées d’actions contre les violences faites aux femmes coïncident à l’UM avec la journée nationale organisée le 25 novembre, ce n’est pas le cas de la semaine contre les LGBT+ phobies. Pourquoi ce décalage dans le calendrier de l’UM ?

JB : C’est vrai que la journée internationale contre les LGBT+ phobies se tient le 17 mai. C’est une période intense pour les étudiants et étudiantes comme pour les personnels. L’UM veille à ce que la communauté universitaire ait l’esprit disponible pour accueillir ces messages ce qui implique de répartir la communication tout au long de l’année quitte à se mettre parfois en décalage avec le calendrier national ou international.

A l’occasion de la semaine contre les LGBT+ phobies vous avez réalisé un micro-trottoir auprès des étudiants et étudiantes de 4 campus de l’UM. C’est la première fois qu’une telle action est menée ?

JB : Oui, nous avons été en STAPS, à Richter, à Triolet mais aussi à la Faculté d’éducation de Perpignan et nous avons posé des questions aux étudiants et étudiantes qui acceptaient de jouer le jeu.  La première question portait sur la signification de l’acronyme LGBTQI+, puis on leur demandait s’il était selon eux possible de participer à la lutte contre les LGBT+ phobies quand on n’est pas soi-même LGBT+.

Quelles ont été les réponses ?

JB : Même si toutes les lettres de LGBTQI ne sont pas toujours identifiées leurs réponses ont été positives sur le fait d’être concerné. La communauté étudiante est consciente de toutes ces formes de discrimination et des parallèles ont été faits avec le racisme et les VSS.

Savent-ils comment agir pour lutter contre ces formes de violences et de discrimination ?

JB : C’était l’objet de notre troisième question et ils ont évoqué l’idée de faire des manifestations, des campagnes de sensibilisation dès le plus jeune âge pour que cela devienne la normalité, d’être à l’écoute, et de ne pas s’accaparer leur parole… Concernant ce que pouvait faire l’Université pour les aider, ils ont parlé de la pride, d’organiser des évènements festifs pour créer un cadre plus positif autour de ces questions. Lors de la table ronde, l’intervenante Flora Boltere qui est co-directrice de l’Observatoire LGBTI+ de l’institut Jean Jaurès a apporté des éclairages sur le fait que sans le vouloir, la façon de s’exprimer peut contribuer à alimenter une vision hétérocentrée et normative.

Lors des journées d’actions de l’UM contre les violences faites aux femmes, le théâtre d’improvisation a été utilisé pour réfléchir aux manières différentes d’aborder ce sujet sensible. Des solutions ont-elles été proposées ?

AFC : Le théâtre d’impro n’a pas vraiment pour objectif d’apporter des solutions. Il faut davantage le voir comme une activité réflexive sur le sujet des VSS. Pourquoi rit-on de certaines situations présentées et peut-on en rire, pourquoi certaines génèrent-elles de l’émotion, d’autres moins ? Il me semble important de varier les approches, sur ce sujet comme sur d’autres, pour sensibiliser le plus grand nombre : certaines personnes seront plus réceptives à une conférence, d’autres à un film, d’autres encore à des actions d’auto-défense comme nous en proposons.

Une sensibilisation particulière doit-elle être faite auprès de certains professionnels de l’UM sur ces questions ?

AFC : Oui, bien évidemment. Les membres des sections disciplinaires ont eu une formation particulière par exemple car ils doivent pouvoir instruire ces affaires délicates du mieux possible. Les assistants de prévention ont été également sensibilisés récemment à cette question. Notre objectif est bien, au-delà des formations générales qui existent aussi et qui sont nécessaires, de cibler des publics spécifiques qui seront à même d’orienter les victimes.

Un guide dédié au VSS a également été réalisé et diffusé. Que contient-il ?

AFC : L’idée du guide nous est venue après avoir rencontré plusieurs victimes. Nous délivrions trop d’informations à la fois pour qu’elles puissent les retenir… d’autant que le stress de la situation n’aide pas à la mémorisation. Le guide a été conçu avec toutes les équipes, la DVC, la DRH, la DAGI, le SCMPPS, que je remercie pour leur investissement sur ces questions.

Il regroupe donc des informations à la fois sur la définition des violences sexistes et sexuelles mais évoque aussi des aspects juridiques, psychologiques… Nous pouvons le remettre à la victime pour qu’elle comprenne mieux ce qui lui arrive, comment elle peut être accompagnée, orientée, quelles démarches ou procédures elle peut déclencher…

Les étudiants et étudiantes interrogés dans le micro-trottoir étaient-ils sensibilisés à la conduite à tenir quand on est témoin ou victime de discrimination ou de violences sexuelles et sexistes ?

JB : Ils ont proposé des choses intéressantes, souvent tournées vers l’intérêt des victimes : intervenir pour arrêter les actes, les mettre à l’abri, leur demander si elles ont besoin d’être accompagnées, si elles veulent donner des suites ou pas, ce qui ne va pas toujours de soi. Faire remonter les informations pour qu’il puisse y avoir des sanctions parce qu’il n’y a pas de tolérance à avoir sur ces actes-là…

L’Université a mis en ligne un formulaire permettant de signaler ces violences qu’elles soient sexistes ou sexuelles, homophobes, racistes ou antisémites…

JB : Oui ce formulaire a été pensé pour cadrer les signalements de la façon la plus complète et précise possible et pour permettre que cette démarche soit suivie d’effets. Dans certains cas VSS et discriminations sont liées, c’est pour cette raison que nous avons souhaité avoir une seule cellule d’écoute parce que les choses s’entrecroisent. Plusieurs contacts, dont le mien, celui d’Agnès et celui de Laure Parmentier, cheffe du service qualité de vie au travail, peuvent être sollicités. La cellule d’écoute inclut d’ailleurs quelques services de l’UM spécialisés dans l’accompagnement.

AFC :   Le souci partagé reste bien entendu la confidentialité des propos qui nous sont rapportés : sans l’accord de la victime, rien ne diffusera, sauf bien entendu si elle est en danger. Le formulaire est là aussi pour aider les victimes à préciser ce qui leur est arrivé. Elles peuvent le garder pour elles si elles le souhaitent mais cela leur aide à fixer les choses : la date, le lieu, les témoins, les faits…. Au bout de quelques jours, les évènements deviennent parfois moins précis dans leur mémoire, garder une trace est important, surtout qu’il faut parfois un peu de temps aux victimes pour se décider à parler. Il me paraît aussi important de souligner que tous les signalements sont traités, ils peuvent aboutir à la saisine de la section disciplinaire et donc à des sanctions contre les autrices ou auteurs des faits.

Concernant l’inclusion des personnes LGBT+, l’UM a récemment signé une charte avec l’association l’Autre cercle ?

JB : Oui, il y a un engagement fort de l’UM sur ces questions depuis sa création puisque dès 2016, nous avons été la première université française à signer la charte de l’association l’Autre cercle en faveur d’une plus grande inclusion pour les personnels LGBT+ sur leur lieu de travail. Cela passe par exemple par une plus grande vigilance sur la confidentialité des informations transmises ou sur un meilleur accès de tous à l’information sur les dispositifs qui existent en termes de parentalité, de droit à la famille… Nous venons de signer une version actualisée de cette charte qui ne se limite plus aux personnels mais inclut aussi les étudiants et étudiantes.

L’UM a également réalisé une plaquette pour lutter contre la discrimination lors de recrutement ?

JB : Oui cette plaquette « Recruter sans discriminer » est distribuée depuis 2021 à tous les personnels en situation de recruter quelqu’un ainsi que lors des concours MCF.

AFC : Il est important que les membres des jurys puissent en effet être sensibilisés aux biais cognitifs qui peuvent affecter tout jugement.

Concernant les VSS, le plan égalité femme-homme a-t-il permis la mise en place d’actions nouvelles ?

AFC : L’élaboration du guide VSS faisait partie de ce plan mais je pourrais aussi citer pour exemple la formation de formatrice du programme « Oser », un programme de formation pour les femmes qui fonctionne très bien, ou encore la fin de la proratisation en fonction de la durée de travail des majorations indemnitaires pour les femmes enceintes.

Une démarche de labellisation est en cours sur ces questions ?

JB : Oui nous avons sollicité l’Afnor pour obtenir le label ALLIANCE, égalité et diversité et nous finalisons actuellement le processus d’évaluation. C’est une démarche qui nous amène à réfléchir, à faire des bilans et à imaginer d’autres actions sur des axes que nous n’aurions pas identifiés.

AFC : Ce label valorise d’autres engagements que ceux que nous venons d’évoquer comme par exemple l’égalité des chances pour les personnes en situation de handicap. Il portera dans un premier temps sur le périmètre des services centraux et communs, nous espérons pouvoir plus tard l’étendre à l’ensemble de l’université, mais nous pensons les actions pour toutes et pour tous : il est important que nous puissions avoir une culture commune de la diversité et de l’égalité.