Rouages : “Le privé n’aurait pas pu m’apporter une telle diversité”

Paul Leloup est ingénieur en électronique au laboratoire d’informatique, de robotique et de microélectronique de Montpellier (Lirmm). Il programme, soude, encapsule et met son savoir-faire au service de l’environnement ou de l’aide à la personne. Autant de missions qu’il nous dévoile dans Rouages, la série vidéo produite par l’Université de Montpellier. Moteur !

Ses cartes électroniques sont de petits bijoux. Au sein du service d’appui à la recherche du Lirmm depuis 2019, Paul Leloup met son talent au service de ses collègues chercheurs et chercheuses mais aussi des doctorants et doctorantes du laboratoire. « On est une quinzaine d’ingénieurs et techniciens dans le service et nous collaborons donc avec les 400 personnes employées au Lirmm. Moi je suis spécialisé dans les systèmes embarqués et donc je travaille uniquement avec le département de microélectronique » explique celui qui est aussi co-responsable de la plateforme de microélectronique.

Un data center neutre en carbone

Dans cette grande halle de microélectronique située au deuxième étage du bâtiment et dans laquelle nous retrouvons Paul Leloup pour le tournage de notre épisode, les oscilloscopes côtoient les fers à souder et les imprimantes 3D. Sur les paillasses, quelques outils simples, des bobines de fil et d’étain et des idées de génie encapsulées dans de petits boitiers ou de grandes mallettes. C’est face à l’une de ses mallettes que le jeune ingénieur s’arrête pour nous parler du projet Genesis1. Face à nous des cartes électroniques et leurs circuits qui abritent une technologie visant à créer un data center le plus neutre en carbone possible.

« L’idée, c’est de recycler des data centers classiques et de faire des minis data centers tous équipés d’un panneau solaire, d’une batterie et d’une alimentation en secteur puis de les interconnecter pour qu’ils puissent échanger de l’énergie entre eux. L’objectif est d’améliorer leur efficacité énergétique et de les alimenter uniquement en énergie verte, solaire la plupart du temps » explique l’ingénieur qui a participé à la conception des cartes électronique, au câblage ainsi qu’à la partie logicielle. La technologie actuellement testée sur le toit de Polytech Montpellier pourrait à terme se retrouver sur le marché.

Projet Help Wireless Messenger

Sur la paillasse d’à côté, même salle mais autre ambiance. Le projet Hermes est un service à destination des personnes à mobilité réduite, telles que les personnes tétraplégiques, qui bénéficient en permanence d’une aide à la personne. Ce système électronique sans fil permet d’envoyer un message à l’auxiliaire de vie pour lui signaler qu’on a besoin de lui rapidement. « On a mis l’accent sur la redondance, la fiabilité et la possibilité de se passer d’abonnement avec une carte SIM afin de réduire les coûts et d’assurer un fonctionnement même en cas de coupure secteur temporaire. » 

Là encore, l’innovation a bénéficié d’une expérimentation en direct grâce à la documentaliste du Lirmm, Isabelle elle-même tétraplégique, qui a bien voulu se prêter au jeu. Ce projet a même été porté par Paul Leloup vers la valorisation et grâce au soutien de la Satt AxLR, mais n’a pour le moment pas trouvé son marché.

Bonne pêche

Un troisième projet témoigne de la diversité des domaines auquel la microélectronique peut être appliquée. SmartSnap fait le pari de limiter les pêches accessoires provoquées par la pêche à la palangre. Ces grands dispositifs sont constitués d’une ligne mère sur laquelle sont fixées à intervalles réguliers des fils au bout desquels se trouvent les hameçons. Utilisés notamment pour la pêche au thon rouge ils sont responsables chaque année de captures de requins, raies ou même d’oiseaux marins.  « L’objectif serait d’avoir au bout de chaque ligne un instrument électronique qui permet de détecter si le poisson qui prend à l’hameçon est un thon rouge, ou une pêche non voulue. Dans ce cas le fil se coupe tout seul et le poisson peut repartir. Nous travaillons aussi sur des fils biodégradables » explique l’ingénieur.

Sur ce projet Paul Leloup planche essentiellement sur la partie intelligence artificielle. « Il faut lui apprendre à différencier un thon, d’un espadon ou d’une raieIl y a eu des campagnes à La Réunion et en Méditerranée qui nous ont permis de récupérer des données. Maintenant, il faut les mettre en forme dans un logiciel, et extraire un modèle d’intelligence artificielle qui permet de performer sur ces enjeux-là. » Un travail réalisé en collaboration avec le laboratoire de biologie marine Marbec.

Pchit

Et parce que l’ingénieur est passionné par son travail il ne résiste pas à l’envie de nous parler d’un dernier projet baptisé PCHIT et mené en collaboration avec le laboratoire ESYCOM de l’Université Gustave Eiffel à Paris. Une puce électronique BIA « qui permet de faire des mesures de bio-impédance sur différentes fréquences. Ce qui est assez innovant, c’est que notre capteur mesure toutes les fréquences simultanément ». L’application pourrait être un patch à destination des sportifs de haut niveau qui permettrait de mesurer en direct la fatigue musculaire pour éviter les crampes et les blessures. « Il y a beaucoup d’applications différentes dans mon travail, le privé n’aurait pas pu m’apporter une telle diversité. »

Et quand Paul Leloup ne travaille pas sur un de ces nombreux projets, c’est aux étudiantes et étudiants qu’il se consacre, soit en les aidant et en les conseillant sur la plateforme de microélectronique, soit dans les TP qu’il anime à Polytech soit en les formant sur un équipement que le LIRMM est la seule structure publique à posséder : le testeur industriel. « Cette machine qui vaut plus d’un million d’euros est mise à disposition par le fabricant pour qu’on puisse former les étudiants dessus. » Cet équipement permet de tester individuellement chaque composant électronique pour s’assurer qu’il respecte bien son cahier des charges, donc ses spécifications techniques. « Dans l’électronique, on teste tous les composants électroniques qui sortent de l’usine un par un. Cela représente un coût d’environ 25 % du prix de chaque circuit. »

Un côté multi-tâches que le LIRMM a su exploiter récemment en proposant à Paul Leloup d’organiser et d’accompagner le déménagement de la plateforme de microélectronique. « C’était très rigolo. J’ai dû faire des plans, faire des devis avec des entreprises, travailler avec mon collègue de la logistique qui m’a beaucoup aidé là-dessus, discuter avec les collègues pour que ça convienne à la majorité… C’est une expérience qui m’a beaucoup plu ! »


  1. Brevet : Gilles Sassatelli, Abdoulaye Gamatié and Michel Robert. ‘Data Processing System with Energy Transfer’, France, Patent n° WO2017178571. 2018 ↩︎