Initium, l’incubateur d’innovation scientifique

Quand un porteur d’innovation rencontre un incubateur universitaire, cela donne une graine d’entrepreneur qui évolue dans un écosystème assez bienveillant pour l’aider à s’épanouir. C’est le cas de Romain Lanotte, un alumni doctorant de l’Université de Montpellier dont le projet de startup deeptech, Theralan, est accompagné par l’incubateur académique Initium. Rencontre avec un jeune chercheur passionné qui ambitionne de révolutionner le traitement du cancer dans les années à venir.

Rendez-vous est donné dans l’espace de coworking d’Initium, situé quartier Port-Marianne. En cette fin septembre aux allures d’été indien, s’y déroule un petit-déjeuner de rentrée réunissant quelques-uns des porteurs de projets accompagnés par l’incubateur. Parmi eux, Romain Lanotte, 34 ans. En juin dernier, le passage de son projet Theralan en phase incubation a été officiellement validé. Une grande étape pour une histoire qui a débuté quelques années plus tôt, alors qu’il était encore étudiant.

De 2014 à 2018, Romain Lanotte fait sa thèse en biologie santé à l’IRCM (Institut de recherche en cancérologie de Montpellier). Il « ne compte pas les heures » passées à travailler sur un sujet complexe : « ma thèse était dédiée à l’étude d’une molécule présente à la surface des cellules cancéreuses et comment la cibler avec des anticorps thérapeutiques et potentiellement en faire des médicaments contre le cancer ». Les anticorps sont de grosses molécules qui peuvent cibler la tumeur pour la détruire, c’est ce qu’on appelle l’immunothérapie. Malgré la pression, sa dernière année de thèse étant financée par la Ligue contre le cancer, les résultats sont au rendez-vous et mènent à une publication scientifique et à un dépôt de brevet des nouvelles molécules développées. Et déjà plein d’idées en tête : « Durant ma thèse, je me suis dit que je pouvais reproduire le procédé sur d’autres molécules ». Le jeune chercheur n’est pas du genre à se lancer sur un coup de tête. Préférant enrichir son bagage professionnel et scientifique, il vise un post-doc à l’étranger, plutôt outre-Atlantique. Mais les choses ne se passent pas toujours comme prévu.

Confinement et business plan

Au lieu de partir à Toronto, Romain Lanotte est confiné chez lui pour cause de crise sanitaire mondiale liée au Covid-19. On est au printemps 2020, tout est à l’arrêt. Au lieu de ronger son frein, le docteur fraîchement diplômé se replonge dans ses recherches : « J’ai mis mes idées sur le papier, je les ai budgétisées, je me suis formé sur Internet sur le business plan et l’entrepreneuriat… » Sa situation financière demeure problématique en ces temps de crise. « En tant que jeune docteur au chômage, j’ai eu des difficultés à convaincre certains acteurs ou certaines actrices de l’écosystème de me soutenir dans cette voie entrepreneuriale », reconnaît-il. C’est pourquoi il accepte un poste de directeur d’études à Eurofins, à côté de chez lui, où il gère « plus de 80 études pour les entreprises pharmaceutiques et un portefeuille de plusieurs millions d’euros », ce qui le rassure dans sa capacité à gérer un projet entrepreneurial. Il y reste un an et demi avant de démissionner en janvier 2023, refusant au passage un CDI. C’est décidé, il va se lancer à 300% dans son projet d’entreprise, auquel il dédiait déjà une bonne partie de son temps libre.

Lauréat i-PhD avec Pepite Deep tech

« J’ai vu passer les candidatures pour intégrer l’incubateur Initium, j’étais alumni donc c’était parfait, témoigne Romain Lanotte. J’ai été pris dans le programme Pépite Deeptech lancé dans le cadre du pôle universitaire d’innovation (PUI). Pourquoi deeptech ? Parce que c’est une innovation de rupture, quelque chose qui vise à transformer la société, on est en plein dans ce que je souhaite faire avec les molécules que je développe ». Pendant six mois son projet de startup, nommée Theralan, se développe et les choses bougent enfin : « L’incubateur m’a donné la crédibilité dont j’avais besoin. Grâce à son accompagnement, j’ai pu convaincre plusieurs acteurs de l’écosystème, comme l’Inserm, le CNRS et la SATT AxLR, accéder à des concours et des formations sur l’entrepreneuriat… » Le travail paie. En 2023, Romain Lanotte fait partie des deux seuls lauréats en Occitanie Est du concours d’innovation d’Etat i-PhD, tous deux d’ailleurs sortis du programme Pepite DeepTech, et décroche également un financement du Booster innovation de Montpellier (BIM) qui lui permet de lancer les premières étapes de recherche et développement.

Rendre les choses possibles

Et demain ? Intégré dans la phase d’incubation d’Initium, le futur chef d’entreprise continue d’être accompagné dans ses défis. En cela, son parcours illustre à merveille le parcours en clair-obscur d’un entrepreneur deeptech dans le domaine de la santé. Toujours inscrit à Pôle emploi, Romain Lanotte doit être affilié rapidement à un institut de recherche pour bénéficier de programmes de maturation à la hauteur de l’ambition scientifique et économique de Theralan. Il a déjà sa petite idée sur la question : « Je souhaite travailler avec l’Institut de génomique fonctionnelle de Montpellier où j’ai fait mon master 1, ce sont des experts dans ce domaine et le laboratoire me soutient fortement dans ce projet. C’est l’endroit idéal pour poursuivre cette R&D. »

Il demeure que son projet est clairement identifié : « Nous allons développer une nouvelle classe de médicaments pour le traitement des cancers et autres maladies, des médicaments plus puissants et moins toxiques que ce qui se fait actuellement ». Reste à trouver les leviers financiers qui rendront les choses possibles, ce qui est le principal enjeu de cette phase d’incubation : « Il va falloir lever des fonds pour pouvoir développer notre molécule en phase clinique, je suis déjà à plusieurs millions sur le chiffrage du projet. Notre objectif ? Une entrée en phase clinique 1 à horizon 2028 pour traiter le premier patient atteint de tumeur au cerveau et proposer une thérapie réellement efficace qui prolonge la survie de ces patients. » Le jeune chercheur montpelliérain ne lâchera pas : « C’est un vrai projet de vie ». 

L’excellence en incubation

Officiellement lancé en septembre 2022, l’incubateur universitaire montpelliérain Initium prend la suite de l’UM I-Lab. Il s’agit pour l’incubateur académique de renforcer la mission d’accompagnement des porteurs de projet de création d’entreprise à l’échelle du programme d’excellence I-SITE et de ses trois piliers « nourrir, soigner, protéger ». Ces porteurs de projet peuvent être étudiants, étudiantes, alumni, doctorants et doctorantes, jeunes docteurs ou personnels de recherche en lien avec les cinq pôles de recherche de l’Université de Montpellier. De manière générale, les projets innovants sont intégrés tout au long de l’année en pré-incubation sur dossier, et sur une durée de 6 à 12 mois.

Un programme de pré-incubation spécifique Pépite deeptech s’adresse aux étudiants, étudiantes, doctorants, doctorantes, jeunes chercheurs et chercheuses porteurs de projets de technologie de rupture. Il se déroule à dates fixes sur une période de cinq mois, de février à juin. Le passage en incubation se fait sur évaluation
d’un jury, et permet de lancer l’accompagnement en co-incubation avec une structure territoriale membre du ResO IP+ (réseau de la Région Occitanie rassemblant 50 incubateurs et pépinières d’entreprises dont Initium est membre) qui prendra le relais afin d’assurer un accompagnement entrepreneurial continu. Une façon de bénéficier de la force de l’écosystème suite à la labellisation PUI (lire L’innovation ne peut pas exister sans confiance). Vingt-six projets sont actuellement accompagnés par Initium en pré-incubation ou en incubation et d’autres seront intégrés au fil de l’eau et de la réception des dossiers de candidature.  Quant au programme Pépite Deeptech, les inscriptions commencent le 13 novembre prochain, dix projets maximum seront sélectionnés. C’est le moment de se lancer dans l’entrepreneuriat innovant !

A Regarder : la vidéo de présentation de l’incubateur Initium