Muse : « Nous allons vers cette évaluation de manière sereine »

Cinq ans après son lancement, l’I-Site Muse achève sa période probatoire et se prépare pour l’évaluation finale qui se déroulera de novembre à janvier prochain. Quel est le bilan, à Montpellier, de cet investissement d’avenir visant à créer des universités de rang international ? Le point avec François Pierrot, directeur exécutif de l’I-Site Muse et vice-président en charge de l’innovation à l’UM.

MUSE entre dans sa dernière phase, avec à la clé la pérennisation du site. Comment va se dérouler l’évaluation finale par le jury international des I-Sites ?
L’évaluation a commencé en juillet dernier lorsque nous avons envoyé notre rapport écrit au jury. Les 16 et 17 novembre, le jury international vient à Montpellier pour rencontrer les acteurs du projet. Enfin la dernière phase aura lieu en janvier prochain où c’est une délégation de Muse qui se rendra à Paris, dans les locaux de l’ANR probablement, pour rencontrer le jury au grand complet cette fois.

Qui compose ce jury ? Des universitaires ?
Les membres du jury des Idex et I-Site ne viennent pas du système français. Ce sont soit des cadres universitaires internationaux, soit des gens issus de grands groupes industriels. Il y a des allemands, des canadiens, des espagnols… Le jury se compose de 25 membres dont un tiers environ sera présent à Montpellier pour l’évaluation.

Comment va se dérouler cette évaluation sur site ?
Le jury va rencontrer, par séquences de 45 minutes, des acteurs de terrain qui ont œuvré à la construction de Muse, c’est-à-dire des dirigeants des établissements partenaires, mais aussi des porteurs de projet de recherche, de formation, des étudiants, des enseignants-chercheurs et également le président Philippe Augé et moi-même.

Sur quels critères se base cette évaluation ?
Ce qu’ils vont évaluer en premier c’est l’effectivité de la mise en place d’une université capable d’intégrer tous les acteurs du consortium. C’est ce que nous avons réalisé à travers l’EPE, l’établissement public expérimental, avec le décret du 20 septembre dernier. Pour évaluer ce point il y a deux catégories de paramètres : la partie juridique, administrative et la partie « terrain » si on peut dire, c’est-à-dire la manière dont se traduit cette intégration dans la vie concrète.

Autrement dit le décret ne suffit pas, c’est son contenu que le jury va examiner?
En effet et ce contenu présente plusieurs éléments qui montrent la qualité de cette intégration. Pour nous c’est en particulier l’école de chimie qui est allée très loin dans l’intégration puisqu’elle a accordé le droit au conseil d’administration de l’Université de donner son avis sur le budget de l’école et sur la campagne d’emplois…

Il y a également l’Institut Agro ?
Oui avec qui nous avons cette fois signé une convention d’association, qui montre que l’Institut Agro joue complètement le jeu de l’établissement expérimental.

C’est également dans ce cadre que s’inscrit le nouveau comité des investissements stratégiques et structurants ?
C’est effectivement la deuxième preuve d’une intégration forte et réussie.  Ce comité est composé par tous les établissements partenaires, le Cirad, le CNRS, l’Inrae, l’IRD, l’Inserm, etc. bref, tous ceux avec qui nous avons d’ailleurs signé une convention d’entente stratégique à l’occasion du sommet Afrique-France le 8 octobre dernier. C’est ce comité qui travaillera sur tous les gros projets qui structureront de notre vie collective.

Voilà pour la partie administrative, qu’en est-il de la partie « vie concrète » ? Pour rappel, I-SITE  est un acronyme pour « sciences, innovation, territoire et économie ». Ce sont les 4 axes sur lesquels Muse sera évalué ?
Ces 4 axes ou piliers décrivent la vocation générale des initiatives I-Site. Concrètement, le jury veut savoir si à l’issue de cette période probatoire l’Université est devenue plus attractive et plus visible.

Et donc ?
Pour l’attractivité il y a un chiffre qui est très parlant :  sur les 5 ans de l’I-Site, le nombre de doctorants en France a baissé de 5% en moyenne, à Montpellier il a augmenté de 10%. Nous avons aussi su recruter des scientifiques de haut niveau venant de pays étrangers. Donc sommes-nous attractifs ? Oui. Sommes-nous plus visibles ? Il y a plusieurs paramètres, tous ne vont pas convaincre les mêmes personnes mais annonçons-les : le classement de Shanghai : en 5 ans, 140 places gagnées ! Les publications dans le cadre de l’I-Site ? 65% d’entre elles sont co-signées par des auteurs étrangers.

C’est un taux remarquable y compris à l’échelle internationale. Sur la même période nous avons augmenté de 25% les financements européens, nous avons été choisis pour la création du centre Unesco sur l’eau. Sur le volet formation, il y a aussi la création de CHARM EU. Ces éléments indiquent assez clairement un gain de visibilité internationale.

Vous évoquez la formation, l’innovation pédagogique va elle aussi être évaluée par le jury…
Tout à fait et au cœur de cette question il y a la création du centre d’innovation pédagogique composé d’experts extrêmement dynamiques et compétents, et le symposium qui s’est tenu dernièrement en est la meilleure preuve. Il y a une réelle attention portée à la formation des enseignants afin qu’ils se saisissent de ces innovations, qu’ils soient force de proposition. Nous avons aussi mis en place de très bons équipements pour cela, des outils que les enseignants utilisent aussi dans leurs pratiques innovantes…

Concernant l’axe « territoire et économie », quels sont les arguments de Muse ?
En 5 ans nous avons doublé le nombre d’entreprises installées sur les campus. Nous en avons 62 aujourd’hui. Pour aller plus loin nous avons synchronisé, avec nos partenaires, l’ensemble de nos services de valorisation et de transferts. Nous avons signé une charte fixant les conditions d’accueil d’une entreprise afin qu’elles soient exactement les mêmes à l’UM, au CNRS ou à l’Inrae, etc..  Des business-développeurs travaillent ensemble afin de promouvoir l’ensemble des savoir-faire développés dans les laboratoires du site par domaine et non plus par en faisant référence à une tutelle ou à une autre.

Un territoire c’est également des collectivités territoriales ?
Absolument et il y en a deux qui nous concernent plus particulièrement : la Région et la Métropole. La première est un partenaire privilégié depuis le début de l’I-Site, à travers le financement de nombreux contrats doctoraux mais aussi avec le lancement des défis-clé directement inspirés des KIM, les initiatives-clé de Muse. Il y a également la Métropole de Montpellier et son projet de développement économique, MedVallée, qui est conçu à partir des enjeux déjà identifiés par l’Université. On constate que « soigner, nourrir et protéger » sont des axes sur lesquels l’UM, la Région et la Métropole s’alignent parfaitement.

L’I-Site s’est également engagé sur une dimension plus spécifique à savoir être un portail scientifique pour les pays du Sud…
C’est vrai, Montpellier a l’ambition d’être un portail pour toutes les questions scientifiques qui intéressent les pays du Sud. Je crois qu’avec le sommet Afrique-France nous avons fait la démonstration de notre légitimité sur ces questions.

Cela semble être un vrai point fort effectivement. Y-a-t-il des points faibles ?
Je ne parlerai pas de points faibles mais il y a des éléments sur lesquels nous n’avons pas pu avancer comme nous l’aurions souhaité en raison de la crise sanitaire. C’est le cas par exemple de l’internationalisation des formations. Nous devons également travailler à la création d’un lien plus marqué entre la recherche fondamentale et la recherche clinique … Nos axes prioritaires pour le futur tiendront compte en particulier de ces deux sujets.

Nous avons donc toutes les chances de pérenniser l’I-Site ?
Ce que nous pouvons dire c’est que nous allons vers cette évaluation de manière sereine, avec le sentiment d’avoir fait ce qu’il fallait. Pour autant le jury est souverain, il peut penser différemment de nous, il ne faut pas être présomptueux.

Il est arrivé que d’autres sites ne soient pas pérennisés?
Oui tout à fait, Toulouse et Lyon ne l’ont pas été dans la catégorie des Idex, l’Université Bourgogne Franche-Comté dans la catégorie I-Site. Il est tout à fait possible de ne pas passer la barre et pour cette raison nous continuons d’être toutes et tous pleinement mobilisés pour cette évaluation.