Préparer aujourd’hui les vignes de demain

Avec le défi-clé Vinid’Occ, la région Occitanie accompagne l’innovation variétale pour la viticulture et l’œnologie du futur dans la région. Patrice This, chercheur au laboratoire Agap Institute et porteur scientifique de ce projet, nous détaille ces recherches fondamentales de portée internationale sur la vigne et le vin, du gène à la bouteille et aux consommateurs.

Avec ses 265 000 hectares de vignes – soit 34 % des vignes françaises – le vignoble occitan est le plus grand de France. Une première place qui fait de la région une place forte de la viticulture et de l’œnologie. Des thématiques porteuses d’avenir pour le territoire que la région a choisi d’accompagner grâce au défi-clé Vinid’Occ.

Les défis-clés sont une initiative de la région Occitanie dont le but est d’identifier et de structurer la communauté scientifique et les acteurs économiques locaux autour de thématiques stratégiques pour la région. « Ce sont de beaux outils pour soutenir une recherche académique de qualité, de portée internationale, dans des domaines stratégiques pour la Région, pour encourager les dynamiques collectives des acteurs de la recherche en Occitanie, mais également pour développer les projets avec le secteur privé, le monde associatif, ou les filières, et rendre la connaissance scientifique accessible au plus grand nombre », souligne Philippe Augé, président de l’Université de Montpellier.

Après Rivoc et BiovidOc qui affichent pour objectif de faire avancer la recherche régionale pour mieux préserver la biodiversité et mieux lutter contre les maladies vectorielles, la région mise sur Vinid’Oc pour accompagner l’innovation variétale en Occitanie.

Moins de produits phytosanitaires

« Le projet se positionne sur deux enjeux majeurs : la réduction des produits phytosanitaires, et l’adaptation au changement climatique », détaille Patrice This, chercheur au laboratoire Agap Institut et porteur du projet. Car la vigne est une des cultures les plus consommatrices en produits phytosanitaires, notamment pour lutter contre les maladies fongiques les plus répandues que sont le mildiou et l’oïdium. « La sélection variétale permet de limiter le recours aux produits fongicides en sélectionnant des variétés qui sont résistantes aux maladies. Vitis vinifera, espèce qui représente environ 98 % de la production de vin, n’est pas naturellement porteuse de gènes de résistance à ces maladies, il faut donc lui transférer ces gènes depuis d’autres espèces de vignes afin de la rendre résistante à son tour », détaille Patrice This. Quatre nouvelles variétés issues de cette technologie ont d’ores et déjà été inscrites au catalogue des variétés françaises. « Des nouvelles variétés qui permettent de diminuer de 72 % à 90 % les traitements phytosanitaires contre le mildiou et l’oïdium », souligne Patrice This.

Adaptation au changement climatique

Autre enjeu majeur du projet : atténuer les effets du changement climatique sur la culture de la vigne. « Dans le Sud, l’évolution du climat a d’ores et déjà des conséquences très importantes sur la production de vin, entraînant des pertes de volume de production et une baisse de qualité », précise le porteur du projet. Car si la sécheresse diminue les rendements, la chaleur elle impacte les qualités organoleptiques du vin. « Elle augmente les taux d’alcool et diminue l’acidité, deux paramètres dont l’équilibre est indispensable pour obtenir un vin de qualité ».

Et ces bouleversements climatiques sont aussi synonymes d’autres perturbations : « Des variabilités inter-annuelles importantes, tant au niveau des températures que des épisodes de gel », souligne Patrice This. C’est pourquoi les chercheurs se penchent aujourd’hui sur ce qu’ils appellent la plasticité de la vigne. « C’est sa capacité à modifier son fonctionnement face à ces variations climatiques tout en maintenant une production suffisante. Plus une vigne est plastique, mieux elle saura amortir ces variations. »

Préparer aux vins de demain

Pour dénicher des variétés mieux adaptées au climat de demain en Occitanie, les chercheurs regardent plus au Sud, s’intéressant notamment aux variétés qui poussent en Grèce. « Nous souhaitons aussi déterminer si ces variétés peuvent correspondre aux typicités des vins régionaux dont on pourra se rapprocher mais qu’on ne reproduira pas à l’identique. »

Face à ces inévitables mutations, le défi-clé Vinid’Occ s’intéressera aussi de près aux producteurs et aux consommateurs pour déterminer comment mieux les préparer aux vins de demain. Un avenir qui se prépare dès aujourd’hui dans un secteur où l’anticipation est primordiale. « Du pépin à la plante, un cycle de sélection prend environ une quinzaine d’années ». Un long chemin du laboratoire à la bouteille qui se fera en renforçant les liens, ceux qui sont tissés entre le recherche et la profession d’une part, « mais aussi les collaborations entre les métropoles de la région concernées par ce projet », souligne son porteur.

Des ambitions que la région Occitanie soutient grâce à une enveloppe de 2 millions d’euros allouée au défi-clé sur 4 ans. « Ça représente 8 demi-bourses de thèse, 4 projets de recherche emblématiques, autant de projets de recherche complémentaire, mais aussi une enveloppe matériel qui sera notamment utilisée pour le phénotypage de haut débit », détaille Patrice This.

Deux métropoles et 14 laboratoires

Vinid’Occ rassemble les équipes de Montpellier et de Toulouse : 14 unités de recherche de Montpellier et 4 unités de Toulouse, soit plus de 300 scientifiques des tutelles Université de Montpellier, INRAE, Institut Agro Montpellier, INP Toulouse, CNRS, Université Paul Sabatier, IRD, EPHE et l’école d’ingénieurs de Purpan.

Ce projet est porté scientifiquement par Monsieur Patrice This, Directeur de Recherche INRAE à l’UMR AGAP Institut, Madame Fabienne Remize, Professeure à l’Université de Montpellier, directrice de l’UMR SPO, Monsieur Bruno Blondin, Professeur à l’Institut Agro Montpellier de l’UMR SPO et Monsieur Christian Chervin, Professeur à l’INP Toulouse, de l’UMR toulousaine LRSV.